Le programme du Golden visa Schengen, longtemps prisé par les investisseurs non européens, vient de tirer sa révérence en Espagne, en raison de sa contribution à l’explosion des prix de l’immobilier. Retour sur cette décision radicale et ses répercussions économiques et sociales.
En Espagne, certains étrangers avaient trouvé une porte d’entrée discrète vers l’Europe en investissant dans l’immobilier local et, en contrepartie, obtenir un permis de séjour avantageux. Ce mécanisme, surnommé “visa doré”, a fonctionné pendant plus de dix ans, attirant notamment de nombreux Américains, Chinois et ressortissants du Golfe. Mais, depuis le 3 avril 2024, cette opportunité appartient au passé.
L’annonce du gouvernement espagnol a mis un terme à ce dispositif en invoquant un principe important en lien avec » Le droit constitutionnel au logement ». Avec des prix immobiliers devenus hors de portée pour une partie de la population, Madrid a jugé que la spéculation devait cesser.
Le Golden visa Schengen, symbole d’un immobilier devenu inaccessible
Le Golden visa Schengen permettait à tout investisseur non européen injectant au moins 500 000 euros dans un bien immobilier espagnol d’obtenir un permis de séjour. L’atout principal ? Une grande liberté de circulation dans l’espace Schengen, sans obligation de résidence permanente en Espagne.
Entre 2014 et 2023, près de 15 000 visas de ce type ont été délivrés. Au total, ce sont plus de 250 000 permis de séjour, tous profils confondus, qui ont été accordés à des étrangers durant cette période. Le programme a rapporté près de 10 milliards d’euros au pays, selon les données de l’Observatoire permanent de l’immigration.
Mais cette manne financière s’est accompagnée d’effets pervers. En effet, les prix de l’immobilier ont flambé, notamment dans les grandes villes comme Barcelone ou Madrid, alimentant un sentiment de frustration chez les habitants, exclus du marché locatif ou de l’accession à la propriété.
L’explosion post-Covid a précipité la fin du programme « visa doré ». En effet, avant la pandémie, le nombre de demandes restait relativement stable. Mais dès 2020, le phénomène a pris une autre ampleur. Le nombre de visas dorés est passé de 2 000 en 2020 à plus de 5 400 en 2023, marquant une croissance fulgurante. Cette accélération a provoqué un afflux massif de capitaux étrangers vers les zones urbaines déjà sous pression.
Cette situation a déclenché une série de réactions, surtout des manifestations citoyennes, la dénonciation de la spéculation immobilière et des appels à une régulation plus stricte de la propriété par des non-résidents.
Ouverture du marché de la location saisonnière
Parmi les bénéficiaires du Golden visa Schengen, on retrouvait principalement des investisseurs issus des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Chine, de la Russie et des pays du Moyen-Orient. Leur objectif principal était de disposer d’un pied-à-terre en Europe, tout en capitalisant sur la location de leur bien. Grâce à ce visa, les propriétaires avaient en effet la possibilité de louer leur logement sur des plateformes de type Airbnb, accentuant la raréfaction de l’offre résidentielle classique. C’est cette dérive que le gouvernement espagnol a voulue enrayer.
Le Premier ministre Pedro Sánchez a même évoqué en début d’année la création d’une taxe de 100 % sur les achats immobiliers par des non-résidents, dans une logique de dissuasion fiscale. Une manière de reprendre la main sur un marché devenu, pour beaucoup, hors de contrôle.
Vers une remise en question globale des visas d’investissement en Europe ?
L’Espagne n’est pas le seul pays à revoir sa copie. D’autres membres de l’espace Schengen s’interrogent désormais sur la pertinence de ces dispositifs. Si ces “visas contre-investissements” permettent de générer des recettes importantes à court terme, ils peuvent aussi créer des déséquilibres sociaux profonds, notamment dans les zones où le logement est déjà sous tension.
Cette décision espagnole pourrait donc marquer un tournant dans la manière dont les pays européens gèrent l’accès à leur territoire pour des raisons économiques. Et relancer le débat sur les priorités en matière de politique migratoire et d’équité territoriale.
Des files d’attente ont été constatées dans les consulats espagnols jusqu’aux dernières heures du programme. Pour certains candidats, la course contre la montre s’est soldée par un succès in extremis. Pour d’autres, le rêve européen restera inachevé, comme cette retraitée américaine qui espérait s’installer à Malaga : « Ce visa, c’était notre projet de vie. Maintenant, on ne sait plus si on pourra rester. »