Jeudi 17 avril 2025, un Algérien jugé en France devant le tribunal correctionnel du Havre a dû répondre de plusieurs infractions liées à son séjour irrégulier. Mais au cœur de l’affaire, une question sensible, son projet de mariage était-il motivé par l’amour, ou simplement par le désir d’obtenir un titre de séjour ?
C’est une audience pas comme les autres qu’a connue le tribunal du Havre ce jeudi d’avril. Dans le box, un homme de 29 ans, ressortissant algérien, arrivé en France à l’été 2020. En situation irrégulière depuis son entrée sur le territoire, il fait face à plusieurs chefs d’accusation classiques dans ce type de dossier, maintien illégal en France, non-respect d’une assignation à résidence, refus de se soumettre à l’obligation de quitter le territoire.
Mais ce qui interpelle, au-delà de ces faits, c’est le contexte dans lequel ils s’inscrivent. Le prévenu affirme vouloir épouser une femme française. Un mariage prévu initialement pour novembre 2024, repoussé à avril 2025. Entre sincérité amoureuse et soupçons d’un mariage blanc, la justice a dû trancher.
Un Algérien jugé en France pour un projet de mariage
Le jeune homme ne cherche pas à cacher sa situation. Oui, il est en situation irrégulière, oui, il a manqué plusieurs convocations liées à son départ programmé vers l’Algérie. Assigné à résidence depuis 2023 au domicile d’une femme domiciliée au Havre, il reconnaît aussi s’être absenté sans autorisation, se rendant à plusieurs reprises à Paris ou en Bretagne.
Face aux juges, il ne nie rien. Mais il met en avant une peur viscérale, celle de rentrer dans son pays d’origine. Selon ses déclarations, il aurait refusé le service militaire et exprimé publiquement des opinions politiques sur les réseaux sociaux. Un retour en Algérie, selon lui, le mettrait en danger. Il ne demande pas la clémence pour échapper à la loi, dit-il, mais pour pouvoir vivre une histoire d’amour entamée depuis plus d’un an.
Mariage et amour comme argument principal
C’est là que l’affaire prend une tournure plus délicate. Car au-delà de l’irrégularité administrative, le cœur du dossier repose sur la véracité du projet de mariage. Le jeune homme affirme aimer profondément la femme chez qui il est assigné, une Havraise âgée de 55 ans. Ensemble, ils auraient prévu de se marier, de vivre officiellement sous le même toit, et même d’avoir un enfant. Ils ont, selon leurs dires, des tatouages communs, des photos ensemble, présenté leurs familles respectives, et vécu en couple.
Mais les enquêteurs, eux, sont plus sceptiques. Peu d’affaires personnelles du prévenu ont été retrouvées dans l’appartement. La connaissance approximative qu’il a de l’endroit où il réside interroge. Et surtout, la femme aurait déjà eu un projet de mariage similaire avec un autre Algérien en 2022.
Pour le parquet, ces éléments laissent planer un doute sérieux sur la sincérité de la démarche. C’est pourquoi, à la demande de l’état civil, le parquet a suspendu le mariage, dans l’attente d’éclaircissements.

L’histoire d’un homme, ou le reflet d’un système ?
“On peut avoir l’impression d’être les juges des sentiments et se sentir mal à l’aise”, reconnaît la substitut du procureur au cours de l’audience. Une phrase lourde de sens. Car juger si une relation est sincère ou non, quand bien même cela a des conséquences juridiques majeures, n’est jamais une tâche simple.
Dans ce cas précis, le tribunal a finalement décidé de relaxer le prévenu de la tentative d’organisation d’un mariage frauduleux. Aucun élément ne permettait d’établir avec certitude qu’il ne s’agissait pas d’une vraie relation. En revanche, pour les autres faits, non-respect de l’assignation à résidence, soustraction à l’obligation de quitter le territoire, présence irrégulière, il a été reconnu coupable. La sanction est tombée, cinq mois de prison avec mandat de dépôt.
Derrière ce fait divers, c’est toute la complexité des questions migratoires et humaines qui se pose. Peut-on vraiment mesurer la sincérité d’un amour devant une cour ? Jusqu’où une irrégularité administrative peut-elle peser sur une vie sentimentale ? Et comment concilier la fermeté de l’État avec le respect des parcours individuels ?
Le jeune homme sera incarcéré. Le mariage est suspendu. Mais l’histoire, elle, ne s’arrête peut-être pas là. Car entre l’amour, la loi et la quête de régularité, les frontières sont parfois plus floues qu’il n’y paraît.