Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, l’Algérie interdit l’argent liquide, une réforme majeure en matière de transactions financières. Cette mesure, inscrite dans l’article 207 de la Loi de Finances 2025, vise à moderniser l’économie, renforcer la transparence et lutter contre le marché informel.
L’Algérie cherche à faire évoluer son modèle économique vers un système plus digitalisé, interconnecté et conforme aux standards internationaux. Cela passe par la promotion des paiements électroniques, la digitalisation des services publics et le développement de solutions de fintech.
L’économie informelle, qui repose largement sur des paiements en espèces, représente un manque à gagner colossal pour l’État algérien. Chaque transaction non déclarée est une opération qui échappe à l’impôt. Que ce soit la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt sur les bénéfices ou les droits d’enregistrement, plusieurs sources de recettes fiscales ne sont tout simplement pas perçues lorsqu’un bien est vendu « hors radar ».
Prenons l’exemple du marché de l’automobile : un véhicule d’occasion peut changer de main contre une somme en liquide, sans que la transaction ne soit enregistrée officiellement. Résultat : aucune TVA, aucun droit de mutation, aucun bénéfice imposable. Ce type de circuit parallèle a longtemps proliféré, notamment en raison du manque de contrôle et de la forte circulation de cash dans l’économie.
Algérie interdit l’argent liquide pour certaines transactions
Cette réforme s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation du système financier algérien. Elle vise à encourager les citoyens et les entreprises à utiliser des moyens de paiement traçables, tout en luttant contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et la corruption. Selon les chiffres publiés par la Banque d’Algérie, près de 47 % de la masse monétaire circulait hors du système bancaire en 2023. Ce niveau élevé de circulation fiduciaire est un frein à la transparence économique. D’où l’importance, pour les autorités, de renforcer l’utilisation des outils numériques dans les échanges commerciaux.
Désormais, pour toute acquisition d’un bien immobilier, bâti ou non bâti, le paiement devra obligatoirement passer par des circuits bancaires : virement, chèque, ou carte bancaire. Il en va de même pour les véhicules vendus par des concessionnaires agréés, les bateaux de plaisance et même certains contrats d’assurance. Le ministère des Finances a clarifié que cette interdiction ne connaît aucune exception de seuil : une mesure stricte pour mettre fin aux marges d’interprétation qui limitaient jusqu’ici son efficacité. L’idée est claire : faire sortir les transactions importantes de la sphère informelle.
Le rôle des notaires dans l’application de la mesure
Pour veiller à l’application concrète de cette mesure sur le terrain, l’État a fait appel aux notaires et aux professionnels du secteur juridique. Ces derniers sont désormais tenus de vérifier la traçabilité des paiements avant d’authentifier un contrat. Ainsi, tout acte de vente d’un bien concerné doit mentionner le moyen de paiement utilisé, preuve à l’appui. Cette nouvelle responsabilité impose aux notaires de jouer un rôle central dans le dispositif de contrôle. Une étape jugée cruciale pour éviter les contournements et les fausses déclarations.
Campagnes de sensibilisation et accompagnement bancaire
En parallèle, des efforts de sensibilisation sont en cours pour informer les citoyens des nouvelles obligations et les inciter à recourir aux paiements électroniques. Les banques et les établissements financiers sont aussi mis à contribution, notamment à travers des campagnes de communication et la mise en place de services plus accessibles. Des solutions comme le paiement différé, qui permet d’échelonner une partie du règlement, sont proposées afin d’accompagner cette transition sans trop de friction. Ces mécanismes visent à rassurer les consommateurs encore réticents à abandonner le cash.

Un contexte international favorable à la digitalisation
Cette transformation du paysage économique algérien s’inscrit aussi dans un contexte international où la digitalisation des flux financiers devient la norme. De nombreux pays adoptent des politiques similaires pour renforcer la transparence et intégrer davantage les citoyens dans le système bancaire. Pour l’Algérie, ce changement représente à la fois un défi et une opportunité. Un défi, parce que la culture du cash reste fortement ancrée, notamment dans les petites villes et les zones rurales. Une opportunité, parce qu’il s’agit d’un levier pour améliorer la collecte des recettes fiscales et mieux encadrer les flux financiers.
Au-delà de l’interdiction de l’argent liquide dans certaines transactions, les autorités misent sur une réforme plus globale du secteur financier. Cela passe notamment par le développement de l’infrastructure numérique, la généralisation des terminaux de paiement électronique (TPE) dans les commerces, et la promotion des applications bancaires. Ces outils sont essentiels pour offrir des alternatives fiables aux citoyens et faciliter leur adhésion au système. L’objectif est aussi de réduire les files d’attente dans les agences, d’accélérer les opérations et de simplifier la vie des usagers.
Implication des banques et des commerçants
Sur le terrain, plusieurs banques publiques et privées ont déjà renforcé leur offre digitale. Des campagnes ciblées encouragent les professionnels à s’équiper de solutions de paiement modernes. Certains commerçants bénéficient même d’incitations fiscales lorsqu’ils acceptent les paiements par carte. Ces mesures sont destinées à créer un environnement plus favorable à l’utilisation des moyens de paiement électroniques, tout en diminuant progressivement la dépendance au liquide.