Les ressortissants algériens établis en France depuis plus de 3 ans ouvrent systématiquement droit à la carte de séjour de 10 ans comme le stipule l’accord bilatéral entre la France et l’Algérie, signé le 27 décembre 1968. Cet accord établit un statut particulier aux Algériens concernant leur circulation, leur séjour et leur emploi en France.
Cet accord, connu aussi sous le nom de « Accord de coopération et d’amitié », est intervenu six ans après l’indépendance de l’Algérie, à un moment où la France avait besoin de main-d’œuvre pour soutenir son économie. En matière d’émigration, l’accord de 1968 exclut les ressortissants algériens du régime juridique commun. Comparativement aux ressortissants d’autres pays, les Algériens peuvent entrer en France sans « visa de long séjour », ils peuvent s’établir librement pour exercer une profession indépendante ou commerciale et obtenir, dans des délais plus courts, une carte de séjour de 10 ans.
L’accord signé entre la France et l’Algérie en septembre 1968 est un accord migratoire qui fait suite aux accords d’Évian de 1962, qui instituent une libre circulation entre les deux pays pour tous les Algériens munis d’une carte d’identité nationale. L’accord de 1968 vient régulariser la libre circulation, l’emploi, et le séjour des ressortissants algériens et de leurs familles. C’est un accord international qui prime sur le droit français, permettant ainsi aux Algériens résidents en France d’avoir un statut particulier.
Les principales mesures de l’accord bilatéral de 1968
En effet, comparativement aux autres nationalités, l’immigration des Algériens est rendue par cet accord plus facile, ils peuvent circuler, faire des études et travailler librement après 9 mois de séjour sans l’obligation d’entrer avec un visa long séjour. Ils peuvent également obtenir un titre de séjour plus rapidement. Les membres de la famille obtiennent également un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée dans le cadre du regroupement familial, sous réserve que la personne qu’ils rejoignent détienne un certificat de résidence pour la même durée.
De plus, après trois ans de résidence ininterrompue sur le sol Français, les Algériens peuvent demander un certificat de résidence de 10 ans conformément à l’article 7 et 7 bis de l’accord, tandis que les ressortissants d’autres pays doivent attendre au moins 5 ans. Comme le stipule l’accord entre la France et l’Algérie de 1968, les ressortissants algériens bénéficient d’un régime d’exception et ne sont pas régis par le droit commun qui prime sur le droit français pour les autres nationalités. Dans l’article 7 bis de l’accord bilatéral, « les ressortissants algériens, visés à l’article 7, peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s’ils justifient d’une résidence ininterrompue en France de trois ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d’existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu’ils peuvent invoquer à l’appui de leur demande ».
Dans le cadre d’un regroupement familial, les membres de la famille obtiennent un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée si la personne qu’ils rejoignent possède ce titre. Les demandeurs de carte de séjour de 10 ans doivent fournir un dossier contenant, des copies lisibles des certificats de résidence des 3 dernières années, des justificatifs de moyens de subsistance au cours des 3 années précédant la demande, à savoir : des attestations bancaires, des bulletins de salaire, des avis d’imposition, ou tous autres documents prouvant la régularité et la suffisance des ressources, qui doivent atteindre au minimum le montant du SMIC, ainsi que d’une prise en charge financière par un tiers.
Il est important de noter que le dernier certificat doit indiquer l’une des mentions visées à l’article 7, à savoir : visiteur, salarié, commerçant, artisan, vie privée et familiale (dans le cadre du regroupement familial), travailleur temporaire, scientifique, et profession artistique et culturelle. De plus, le demandeur ayant le certificat d’1 an durant 10 ans ou plus ne doit pas avoir détenu un certificat mention Étudiant pendant cette période. Toute autre attestation détenue depuis 3 ans ou plus nécessite la justification de résidence habituelle en France depuis l’âge de 10 ans.
Les personnes éligibles pour une carte de résidence de 10 ans
- Les conjointes et les enfants sollicitant dans le cadre du regroupement familial (article 4) soit un certificat de résidence de 1 an (article 7, d), soit un certificat de résidence de 10 ans (article 7 bis, d) ;
- Les personnes qui comptent s’établirent en France pour y exercer une profession non salariée « commerçant, artisan » (article 5) ;
- Les personnes sollicitant le certificat de résidence « visiteur » (article 7, a) ;
- Les personnes souhaitant exercer une activité professionnelle « salariée » (article 7, b) ;
- Les personnes souhaitant exercer une activité professionnelle soumise à autorisation (article 7, c) ;
- Les personnes sollicitant le certificat de résidence « travailleur temporaire » (article 7, e);
- Les personnes sollicitant le certificat de résidence « scientifique » (article 7, f) ;
- Les personnes sollicitant le certificat de résidence portant la mention « profession artistique ou culturelle » (article 7, g) ;
- Titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle, servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % et ayant droit d’un Algérien ou d’une Algérienne « bénéficiaire d’une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français » (article 7 bis, c) ;
- Les personnes suivant un enseignement, un stage ou faisant des études en France ; fonctionnaire ou agent d’organisme algérien ; travailleur saisonnier ;
- Les personnes admises dans un établissement de soins français qui n’a pas sa résidence habituelle en France.
Révision de l’accord franco-algérien
L’accord franco-algérien a été révisé trois fois, donnant lieu à trois avenants restrictifs. Le 1er avenant a été signé le 22 décembre 1985, le premier ministre, Laurent Fabius, avait abrogé deux articles de l’accord, l’article 1 relatif à l’admission de 35 000 travailleurs par an, et l’article 2 relatif au 9 mois de séjour pour trouver un emploi. En 1986, le visa est mis en place et devient la condition essentielle pour entrer en France pour les étrangers, dont les algériens. Le 2e et le 3e avenant ont été respectivement signés le 28 septembre 1994 et le 11 juillet 2001.
La partie « entrée » de l’accord a été supprimée, tandis que la partie « séjour » est restée partiellement en vigueur. Cependant, les principes fondamentaux de l’accord ont été préservés, notamment le « régime dérogatoire au droit commun ». Selon le professeur d’histoire contemporaine du Maghreb à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Pierre Vermeren, cet accord qui est présenté comme libéral a en réalité réduit cette circulation, « Cet accord essayait de régulariser un flux presque libre, en limitant la venue de 35 000 Algériens par an en France. »
Aujourd’hui, certaines préfectures, rejettent certaines demandes de ressortissants algériens pour une carte de séjour de 10 ans, malgré leurs présences continues sur le sol français et après plusieurs renouvellements du titre de séjour. Ce rejet est établi sur la base de manque de pièces justificatives. Dans la plupart des cas, les rejets sont accompagnés d’une obligation de quitter le territoire français « OQTF ». Cependant, certains requérants, optent pour la voie de justice et entament une procédure judiciaire pour faire valoir leur droit.
Comment une Algérienne fait plier la préfecture ?
Une ressortissante algérienne, résidente en France depuis 7 ans, a demandé en 2021 le renouvellement de son titre de séjour d’un an ainsi qu’une carte de résidence de 10 ans auprès de la préfecture du Nord. En août 2022, le préfet a refusé sa requête et lui a notifié une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) avec interdiction de retour pendant un an, en raison d’un manque de ressources financières suffisantes, alors que cette ressortissante exerce une activité commerciale et a réalisé de nombreux bénéfices en France en plus de sa présence ininterrompue sur le territoire français de plus de trois ans, comme le stipule l’accord de 1968.
Après que la préfecture du Nord ait refusé sa demande de carte de résidence de 10 ans, la ressortissante algérienne a porté l’affaire au tribunal administratif de Lille, considérant que le préfet du Nord n’a pas respecté les dispositions des articles 5,6 et 7 bis de l’accord franco-algérien de 1968, de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, ainsi que les dispositions de l’article L. 423-23 du Code de l’entrée et séjour des étrangers et du droit d’asile.
Le Tribunal administratif de Lille a estimé que la préfecture du Nord avait commis une erreur d’appréciation. Considérant que la ressortissante algérienne a généré de nombreux bénéfices grâce à son activité commerciale qu’elle exerçait depuis 2017 en France, lui permettant de justifier des moyens financiers suffisants. Estimant que la situation personnelle et professionnelle de la requérante remplissait les conditions pour l’obtention du certificat de résidence, le tribunal administratif de Lille a ordonné par décision en date du 25 avril 2024 la délivrance du certificat de résidence de 10 ans dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ainsi que le renouvellement de son titre de séjour. Il a également soumis l’annulation de la décision de l’arrêté du préfet pris en août 2022.