Le Click Day Italie est une procédure qui décide de l’avenir de milliers de travailleurs étrangers et d’employeurs. Avec ses quotas limités et sa logique de rapidité, ce système controversé reflète les tensions entre contrôle migratoire et besoins économiques. Dans une Italie en manque de main-d’œuvre, il suscite autant d’espoirs que de frustrations.
Chaque année, à une date précise, l’Italie devient le théâtre d’une compétition intense : celle du Click Day. Derrière ce processus administratif se cachent des enjeux humains et économiques cruciaux. Employeurs désespérés de trouver de la main-d’œuvre, candidats étrangers misant leur avenir sur un clic, et quotas insuffisants pour couvrir les besoins, ce système est au cœur d’un paradoxe italien. D’un côté, un marché du travail en tension, et de l’autre, des contraintes migratoires rigides. Si certains y voient une solution pragmatique pour organiser l’immigration légale, d’autres dénoncent une méthode inadaptée aux réalités d’un pays confronté à une crise démographique sans précédent. Mais le Click Day est-il vraiment à la hauteur des défis actuels ?
Click Day Italie une porte étroite pour l’immigration de travail
Le Click Day est une procédure annuelle introduite pour encadrer l’immigration de travail en Italie. À une date précise, les entreprises italiennes peuvent soumettre en ligne leurs demandes d’embauche pour des travailleurs étrangers. Ces demandes sont ensuite traitées selon un principe de rapidité, « premier arrivé, premier servi ».
Chaque année, le gouvernement publie un décret, appelé « decreto flussi« , qui fixe les quotas de permis de travail disponibles. En 2023, ce quota s’élevait à 82 705 permis, répartis entre, 44 000 permis pour les emplois saisonniers, principalement dans l’agriculture et le tourisme. 31 205 permis pour des emplois non saisonniers, notamment dans la construction et les transports et 7 500 permis réservés à des auto-entrepreneurs et des travailleurs qualifiés.
Malgré ces chiffres, le système peine à répondre aux besoins réels. En 2023, plus de 250 000 demandes ont été déposées en quelques heures, saturant la plateforme numérique et laissant la majorité des employeurs sans solution. Ce système est souvent perçu comme une véritable loterie de la main-d’œuvre étrangère, tout repose sur la capacité des employeurs à soumettre leur demande en un temps record, souvent en quelques minutes. Mais ce fonctionnement aléatoire génère de nombreuses frustrations, aussi bien pour les entreprises, qui peinent à combler leurs besoins en main-d’œuvre, que pour les candidats, qui se retrouvent dans l’incertitude pendant de longs mois.
Une loterie qui n’a rien d’américain
Le Click Day Italie est souvent comparé à la célèbre loterie américaine des cartes vertes, mais leurs fonctionnements sont fondamentalement différents. La loterie américaine repose sur un tirage au sort aléatoire parmi des millions de candidatures à travers le monde. En 2023, 7,4 millions de personnes ont postulé, et seulement 55 000 visas click day ont été attribués.
En revanche, le visa Click Day privilégie la vitesse. Les entreprises doivent soumettre leurs demandes dès l’ouverture de la plateforme, et les permis sont accordés dans l’ordre chronologique jusqu’à épuisement des quotas. Cette logique pénalise les petites entreprises ou celles qui ne maîtrisent pas le processus, au profit de celles disposant de moyens technologiques avancés. Contrairement à la loterie américaine, qui valorise une égalité des chances, le Click Day accentue les disparités technologiques et organisationnelles.
Une crise démographique Italienne qui aggrave les tensions
Ce mécanisme s’inscrit dans un contexte où l’Italie fait face à de nombreux défis démographiques. Le pays connaît un vieillissement accéléré de sa population, avec 23,6 % des Italiens ayant plus de 65 ans en 2023, contre seulement 13,5 % en 1980. Parallèlement, le taux de natalité est parmi les plus faibles d’Europe, avec seulement 1,24 enfant par femme en 2024, bien loin du seuil de renouvellement générationnel fixé à 2,1.
En vingt ans, l’Italie a perdu 2,2 millions de jeunes actifs âgés de 15 à 34 ans, une diminution principalement due à l’émigration vers des pays offrant de meilleures opportunités économiques. Cette baisse de la population active accentue la pression sur les secteurs clés de l’économie, tels que l’agriculture, le bâtiment, le tourisme et les services, qui dépendent fortement des travailleurs étrangers pour fonctionner.

Des chiffres qui révèlent l’urgence
Les secteurs économiques dépendent de plus en plus de travailleurs étrangers en Italie. Avec un manque d’attractivité économique, et un salaire moyen inférieur de 10 000 euros par an à celui des pays voisins comme la France, l’Italie peine à retenir ses propres talents, sans parler d’attirer des travailleurs étrangers qualifiés.
En 2023, 40 % des travailleurs agricoles étaient des migrants, mais malgré cela, le secteur a signalé un manque de 100 000 ouvriers saisonniers. La construction, portée par une reprise post-Covid, a enregistré une hausse de 30 % de la demande de main-d’œuvre entre 2022 et 2024, tandis que le secteur touristique, représentant 13 % du PIB, a connu des pénuries de personnel dans l’hôtellerie et la restauration.
Bien que le Click Day ait permis l’attribution de 450 000 permis de séjour depuis 2023, les besoins réels du marché du travail italien sont bien plus élevés. Selon Confindustria, le principal syndicat patronal italien, il faudrait 800 000 travailleurs étrangers par an pour répondre aux exigences économiques.
Les critiques du système visa Click Day
Malgré son intention d’encadrer les flux migratoires, le Click Day est critiqué pour plusieurs raisons. Premièrement, son caractère compétitif repose exclusivement sur la vitesse, ce qui désavantage les employeurs moins équipés techniquement ou moins expérimentés. Deuxièmement, les quotas disponibles sont largement insuffisants : en 2023, seulement une demande sur trois a été acceptée.
Par ailleurs, une fois la demande validée, les délais administratifs pour obtenir un visa click day peuvent atteindre plusieurs mois, ralentissant l’arrivée des travailleurs en Italie. Certaines candidatures deviennent même obsolètes, car les candidats, lassés d’attendre, finissent par se tourner vers d’autres pays.
Le rôle de Giorgia Meloni et les perspectives d’évolution
Depuis son arrivée au pouvoir, Giorgia Meloni s’est érigée en championne de la lutte contre l’immigration clandestine. En 2024, ses efforts pour renforcer les accords avec des pays comme la Tunisie ou la Libye ont permis de réduire les arrivées illégales de 60 %. Mais en parallèle, la politique migratoire légale reste rigide et inadaptée aux réalités du marché du travail.
Ce paradoxe rital illustre un problème structurel, vouloir contrôler l’immigration tout en répondant aux besoins économiques d’un pays vieillissant. Avec l’immigration de travail en Italie, le gouvernement tente de concilier ces deux objectifs, mais les résultats sont loin d’être convaincants.
Plusieurs propositions de réforme émergent aujourd’hui. Certains experts plaident pour l’introduction de critères de sélection basés sur les compétences des candidats, inspirés du modèle canadien. D’autres appellent à une augmentation significative des quotas, afin de mieux répondre aux besoins économiques. Enfin, des solutions technologiques sont envisagées pour simplifier les démarches administratives et éviter les saturations de la plateforme numérique.

Une réforme nécessaire du decreto flussi pour répondre aux défis
Le Click Day Italie est un système qui, malgré ses objectifs, montre ses limites dans un contexte économique et démographique complexe. Alors que l’Italie fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent et à un vieillissement de sa population, la question d’une réforme devient incontournable.
Le système, tel qu’il existe aujourd’hui, est à l’image des contradictions italiennes, un mélange de pragmatisme économique et de crispation politique. Mais alors que le pays fait face à une crise démographique et à un besoin urgent de main-d’œuvre dans le cadre de l’immigration de travail en Italie, cette loterie de la main-d’œuvre étrangère semble de plus en plus inadapté.
Pour les futurs travailleurs étrangers en Italie, ce système est bien plus qu’un simple processus administratif, il représente l’espoir d’un avenir meilleur, souvent réduit à un clic. L’Italie, en repensant son système migratoire, pourrait offrir une alternative plus humaine, plus juste et surtout plus efficace. À défaut, le « decreto flussi » risque de continuer à incarner un symbole d’iniquité et de frustration, aussi bien pour les candidats que pour les employeurs.