Le marché noir de devises en Algérie, en constante expansion, représente un défi économique majeur. Dans un contexte où le dinar se déprécie face aux principales devises étrangères, les Algériens cherchent des moyens de sécuriser leur patrimoine.
Les transactions sur le marché noir offrent une solution temporaire, mais les conséquences à long terme sont dévastatrices pour l’économie nationale. Face à cette situation, la question se pose, quelles sont les causes de cette crise monétaire, comment peut-on éradiquer ce marché parallèle et restaurer la confiance dans notre monnaie en stabilisant le dinar?
Depuis des décennies, le marché noir des devises est un acteur majeur de l’économie informelle en Algérie· D’après les dernières études disponibles, le volume des transactions en devises sur le marché parallèle pourrait atteindre jusqu’à 30% du PIB, selon des experts économiques locaux. Le marché noir des devises en Algérie représente une part importante de l’économie informelle. En 2024, les écarts entre le taux de change officiel et celui du marché parallèle continuent de croître, exacerbant les tensions économiques. Selon les dernières statistiques, le taux de change du marché parallèle dépasse de 100% le taux officiel, atteignant des niveaux records de 250 à 260 DZD pour 1 Euro.
Ce phénomène est amplifié par la pénurie de devises étrangères et la méfiance généralisée envers le dinar, qui perd chaque année de sa valeur. Un marché qui se développe principalement en raison des restrictions sévères sur le change et de la forte demande de devises étrangères, alimentée par une économie caractérisée par un taux de chômage élevé et une inflation galopante. Si les entreprises et particuliers algériens ne peuvent pas accéder librement aux devises via les canaux officiels, le marché noir se charge de combler cette lacune.
Les causes du marché noir de devises en Algérie
Pour s’attaquer efficacement à la problématique du marché noir, il est crucial de comprendre les causes qui le nourrissent, les racines du marché noir de devises en Algérie. Voici les principaux facteurs à considérer :
- Les restrictions sur le change et la rareté des devises
L’Algérie, sous un contrôle strict de ses flux monétaires, ne permet aux citoyens et entreprises d’accéder aux devises étrangères qu’à travers des mécanismes très limités. Les contrôles stricts imposés par les autorités sur les échanges de devises créent une offre limitée sur le marché officiel. incitant les particuliers et les entreprises à se tourner vers des solutions non réglementées. Cette politique crée une pénurie artificielle de devises et génère une demande importante non satisfaite, que le marché parallèle satisfait à des taux largement supérieurs aux taux officiels. En 2024, on estime que près de 30% à 40% des échanges de devises se font à travers le marché noir, une proportion qui reste significative pour une économie aussi dépendante de l’importation de biens et services.
- L’instabilité du dinar et la fuite des capitaux
L’instabilité de la monnaie locale pousse les citoyens à se tourner vers les devises étrangères (principalement l’euro et le dollar) pour protéger leur épargne. Cette méfiance envers le dinar, conjuguée à une politique économique perçue comme inefficace, accentue la demande sur le marché parallèle. L’inflation, conjuguée à la dévaluation constante du dinar, crée un environnement où les Algériens préfèrent stocker des monnaies convertibles pour se prémunir contre les incertitudes économiques.
- La bureaucratie et le manque de digitalisation du secteur bancaire
Les démarches administratives complexes et le manque de services financiers numériques accessibles ralentissent l’accès aux devises par les canaux officiels, poussant ainsi de nombreux Algériens à se tourner vers des solutions informelles.
- La culture de l’économie informelle
En 2023, près de 45% de l’économie algérienne évolue dans l’informel, et une grande partie des transactions monétaires y est réalisée hors des circuits officiels. Cela alimente directement le marché noir des devises, rendant difficile toute régulation efficace. L’économie informelle prospère dans un contexte où la bureaucratie entrave l’accès aux services financiers. Les Algériens se sentent souvent piégés par un système complexe, et le marché noir devient une échappatoire. Ce phénomène alimente une culture de contournement des règles, où les transactions illégales deviennent la norme.
Les conséquences du marché noir et la dévaluation du dinar
Les effets du marché noir des devises ne se limitent pas à une simple dévaluation du dinar. Voici quelques-unes des conséquences les plus significatives sur l’économie du pays :
La dévaluation du dinar : Le marché parallèle fait pression sur la valeur du dinar, aggravant ainsi la dévaluation de la monnaie locale. En 2025, le taux de change du marché noir est presque deux fois plus élevé que celui du taux officiel, une situation qui déstabilise les marchés financiers. Cela crée un cercle vicieux où la faiblesse du dinar entraîne une demande accrue pour les devises étrangères, alimentant davantage l’informel·
Fuite des capitaux et manque d’investissements étrangers : La fuite des capitaux reste un problème majeur en Algérie, avec des sorties nettes estimées à près de 3 milliards de dollars par an, selon la Banque Mondiale. Cette situation dissuade les investisseurs étrangers, limitant les opportunités de croissance pour l’économie nationale. En raison de la fluctuation continue du taux de change, les investisseurs étrangers hésitent à injecter des capitaux dans le pays, freinant ainsi la croissance économique. Selon la Banque mondiale, les investissements directs étrangers en Algérie ont chuté de 75% entre 2014 et 2020.
L’impact sur le pouvoir d’achat : La dévaluation continue du dinar entraîne une augmentation des prix des biens importés, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des citoyens. En 2024, le taux d’inflation est estimé à 9,6%, un chiffre qui pèse lourdement sur les budgets. Les fluctuations de la monnaie ont un impact direct sur le coût des biens importés et la vie quotidienne des Algériens. Le marché noir accentue les distorsions économiques, réduisant le pouvoir d’achat des citoyens et augmentant les inégalités sociales.
Stratégies pour éradiquer le marché noir
Pour faire face à ce défi colossal, plusieurs stratégies peuvent être envisagées
1· Création de bureaux de change accessibles
La mise en place de bureaux de change facilement accessibles et efficaces pourrait réduire la pression sur le marché noir· En offrant des taux compétitifs et des services rapides, ces bureaux pourraient attirer les citoyens qui se tournent actuellement vers des canaux illégaux· Cela renforcerait également la confiance dans le système de changement officiel·
2· Augmentation de l’allocation touristique
Proposer une allocation touristique plus conséquente permettre d’encourager les échanges de devises sur le marché officiel· Cela aiderait non seulement à stimuler le secteur touristique, mais aussi à diminuer la dépendance au marché noir pour l’acquisition de devises· Une politique d’allocation plus généreuse pourrait également attirer davantage de visiteurs étrangers, dynamisant ainsi l’économie locale·
3· Libéralisation progressive du marché des devises
Envisager une libéralisation progressive du marché des devises serait également bénéfique. Elle doit être menée de manière graduelle et contrôlée. En assouplissant les restrictions sur les échanges de devises et en améliorant l’accès aux monnaies fortes comme l’euro et le dollar, le marché officiel deviendrait une alternative plus attractive au marché noir.
4· Promotion de la numérisation et la digitalisation
La digitalisation des services financiers peut également jouer un rôle crucial. Développer des plateformes numériques sécurisées pour l’échange de devises permettant de faciliter l’accès aux transactions officielles, offrant aux citoyens une alternative fiable à travers des canaux légaux. Des services en ligne fiables et sécurisés, réduisant l’incitation à recourir au marché noir. Parallèlement, l’État pourrait encourager l’utilisation de technologies financières (FinTech) pour moderniser le secteur bancaire et attirer les utilisateurs vers les canaux officiels.
5· Mesures légales et punitives
Le gouvernement doit envisager des mesures légales plus strictes pour dissuader les transactions sur le marché noir. Cela pourrait inclure des sanctions renforcées pour ceux qui participent à des activités illégales et la mise en place de mécanismes de surveillance pour contrôler les flux de dispositifs. L’augmentation des sanctions et des inspections des institutions financières peut contribuer à créer un environnement où le marché noir est moins attractif· Une coopération avec d’autres pays pour surveiller les flux de devises pourrait également être bénéfique. Des alliances internationales peuvent aider à démanteler des réseaux de change clandestins.
6· Améliorer la confiance dans le dinar
La stabilisation du dinar passe par des réformes économiques profondes, telles que la diversification des revenus de l’État et l’amélioration de la compétitivité économique du pays. La confiance dans la monnaie locale est un facteur clé pour freiner la demande de devises étrangères.
6· Études de cas Inspirants
Examiner les stratégies adoptées par d’autres pays peut fournir des enseignements précieux. Par exemple, le Maroc et le Brésil ont réussi à réduire le poids de leurs marchés noir grâce à une combinaison de réformes réglementaires et d’initiatives pour améliorer l’accès aux appareils. En s’inspirant de ces expériences, l’Algérie pourrait adapter ces solutions à son contexte spécifique.
La situation de la dévaluation du dinar au marché noir des devises en Algérie reste extrêmement préoccupante, mais des réformes bien calibrées pourraient inverser cette tendance. Les experts soulignent que pour enrayer le marché noir, il faut des ajustements politiques, notamment la création de bureaux de change légaux, qui rendraient les échanges formels plus accessibles et réduiraient le commerce illégal. Des chercheurs comme Elbadawi et Kiguel soulignent que des réformes économiques plus vastes, telles que la libéralisation du commerce et la réduction des distorsions de l’offre de devises, sont cruciales. Une allocation de devises contrôlée et transparente, peut-être par le biais d’une meilleure allocation touristique, permettrait un flux de devises plus stable et réduirait la dépendance
Les dernières statistiques montrent qu’une action rapide et cohérente est nécessaire pour éviter que cette situation ne perdure et continue à fragiliser l’économie algérienne. L’Algérie se trouve à un carrefour crucial, où une série de réformes pourrait déterminer la trajectoire de son économie pour les années à venir.