La France et le Maroc viennent d’acter une coopération inédite pour accélérer le retour des ressortissants marocains en situation irrégulière. Un dispositif qui ouvre la voie à des expulsions massives, dans un contexte tendu de lutte contre l’immigration illégale.
Le récent rapprochement diplomatique entre la France et le Maroc ne se limite pas à des échanges de sourires officiels. Derrière les poignées de main, une stratégie migratoire bien plus ferme se dessine. Portée par la volonté de Paris de reprendre le contrôle sur ses flux migratoires, cette nouvelle entente prévoit une accélération significative des reconduites à la frontière de citoyens marocains de France en situation irrégulière.
Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, fraîchement rentré de Rabat, a obtenu un engagement ferme des autorités marocaines pour identifier plus rapidement leurs ressortissants et accepter leur retour sur le territoire national. Ce nouveau tournant s’inscrit dans un cadre de coopération bilatérale élargie, qui vise à rendre les procédures d’expulsion plus fluides, plus rapides et surtout, plus nombreuses.
Expulsions massives : Un nouvel axe de la coopération France-Maroc
Le cœur du dispositif repose sur la création d’un groupe de travail conjoint entre la France et le Maroc. Ce comité technique aura pour mission d’établir l’identité des personnes concernées par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) et de s’assurer de leur réadmission. Une structure administrative inédite, qui permet à la France de contourner certains blocages bureaucratiques rencontrés jusqu’ici dans le processus de retour des migrants.
L’identification de la nationalité est souvent une étape délicate. Les migrants en situation irrégulière déclarent parfois une fausse nationalité ou refusent de coopérer. Ce groupe de travail binational sera composé d’équipes mixtes, françaises et marocaines, capables de vérifier plus efficacement les identités. « Je pense qu’avoir des équipes mixtes françaises et marocaines pour mener ce travail d’identification changera énormément les choses », a affirmé Bruno Retailleau, soulignant l’importance stratégique de ce mécanisme dans la politique migratoire française.
Derrière cette dynamique, l’objectif politique apparent vise à envoyer un message de fermeté sur l’immigration irrégulière, tout en répondant à une pression croissante sur les centres de rétention et sur l’opinion publique française.
Politique migratoire française et enjeux diplomatiques
La mise en œuvre de ces expulsions massives n’est pas un simple ajustement technique. Elle s’inscrit dans une stratégie diplomatique plus large, relancée depuis la visite d’État d’Emmanuel Macron à Rabat en octobre dernier. Cette visite avait pour but de relancer les relations franco-marocaines, gelées durant plusieurs mois en raison des tensions autour du Sahara occidental et de la délivrance des visas.
La reconnaissance officielle par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara a été la clé de voûte de cette réconciliation. En retour, Rabat a accepté d’intensifier sa coopération sur les questions migratoires. Ce réchauffement n’a pas été sans conséquences ailleurs. L’Algérie, partenaire traditionnel du front Polisario, a vu d’un très mauvais œil ce repositionnement diplomatique et a récemment demandé à 12 diplomates français de quitter son territoire. Une démonstration que l’accord migratoire dépasse le simple cadre bilatéral.
Un processus d’expulsion accéléré mais controversé
Du côté français, l’enjeu est aussi de faire passer l’image d’un exécutif qui agit. Face aux critiques sur l’inefficacité des OQTF dont seule une minorité sont exécutées chaque année, et le gouvernement français cherche à montrer des résultats concrets. L’accord avec le Maroc tombe donc à point nommé. Grâce à cette coopération renforcée, les expulsions devraient être facilitées, notamment pour les dossiers restés en attente faute de documents ou d’accord consulaire.
Pour le Maroc, l’accord n’est pas anodin. Il implique une mobilisation administrative importante et une volonté politique bien engagé d’accompagner le retour de milliers de citoyens, parfois installés depuis des années en France. Si Rabat accepte aujourd’hui de jouer le jeu, c’est aussi parce que la normalisation des relations diplomatiques avec Paris est perçue comme stratégique, tant sur le plan économique que géopolitique.
Lutte contre l’immigration clandestine : entre pression et coopération
En filigrane, c’est toute la logique européenne de gestion des flux migratoires qui se retrouve ici appliquée à une échelle bilatérale. La France mise désormais sur des accords ciblés avec les pays d’origine pour réduire les entrées irrégulières et accélérer les sorties. Dans ce cadre, le Maroc joue un rôle central qui est à la fois pays d’émigration, de transit, mais aussi de coopération.
Cette logique d’externalisation des politiques migratoires n’est pas nouvelle, mais elle connaît ici un nouveau souffle. Elle repose sur un équilibre subtil qui est d’offrir des avantages diplomatiques et économiques aux pays partenaires, en échange d’un engagement sans ambiguïté sur le volet migratoire.
La question reste maintenant de savoir si ce modèle sera durable. Car derrière les annonces et les accords, ce sont des vies humaines, souvent marquées par l’instabilité, qui sont concernées. Le calendrier des expulsions, lui, pourrait s’accélérer bien plus vite que les débats publics sur leur légitimité.