Le débat sur la question d’interdire Tik Tok en Algériea pris une nouvelle dimension avec l’intervention du député Abdelbasset Bouhali. Dans une demande écrite adressée au Premier ministre Nadir Larbaoui, Bouhali appelle à une interdiction de l’application, qu’il considère comme une menace pour la société algérienne.
Le député pointe notamment les défis dangereux et les contenus inappropriés qui y circulent, estimant que TikTok incite les jeunes à adopter des comportements risqués pour gagner en visibilité.Cette préoccupation n’est pas isolée. Le ministère de l’Éducation nationale avait déjà, en janvier 2019, émis une note mettant en garde contre l’utilisation de TikTok par les élèves, soulignant les dangers liés aux défis proposés sur la plateforme et les risques d’exposition à des contenus immoraux ou à des tentatives de chantage ( Blackout Challenge).
Tiktok est une application mobile de partage de vidéos courtes. Développée par la société chinoise ByteDance et lancée à l’international en 2017 (après la fusion avec Musical.ly), TikTok permet aux utilisateurs de créer, monter et publier des vidéos de 15 secondes à 10 minutes, avec des effets spéciaux, de la musique, et toute une panoplie de filtres et d’outils de montage très intuitifs. C’est cette simplicité, combinée à une interface ultra fluide et addictive, qui a rapidement fait exploser sa popularité dans le monde entier.
D’après les estimations de DataReportal 2024, TikTok compterait plus de 7 millions d’utilisateurs actifs en Algérie, majoritairement âgés de 13 à 25 ans. Cette tranche d’âge représente près de 60 % des utilisateurs de la plateforme dans le pays.
Les raisons qui ont poussé le gouvernement à interdire Tik Tok en Algérie
Le ministère de la Justice a également réagi face à l’augmentation des contenus contraires aux bonnes mœurs sur les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok et Instagram. Des instructions ont été données au parquet pour prendre les mesures juridiques nécessaires afin de combattre ces agissements, avec l’ouverture d’enquêtes pénales contre toute personne diffusant des contenus portant atteinte aux valeurs morales.
Sur le plan juridique, l’Algérie a renforcé son arsenal législatif pour encadrer l’utilisation des réseaux sociaux. Le nouveau code pénal, promulgué en mai 2024, prévoit des peines sévères pour la diffusion d’informations confidentielles ou de contenus portant atteinte à la sécurité nationale. Par exemple, l’article 63 bis 1 stipule que toute personne divulguant des informations confidentielles relatives à la sécurité nationale à travers les réseaux sociaux est passible de 20 à 30 ans de réclusion.
Des réseaux criminels utilisent TikTok pour promouvoir leurs activités. Le Service central de lutte contre le crime organisé en Algérie a récemment démantelé un réseau lié à des activités illégales promues sur la plateforme. Des influenceurs locaux ont également été critiqués pour des contenus jugés offensants ou immoraux, certains étant même convoqués par la police.
Par ailleurs, la loi n°20-05 du 28 avril 2020 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine prévoit des peines d’emprisonnement de deux à cinq ans et des amendes pour les infractions commises via les technologies de l’information et de la communication.
Face à ces développements, certains experts suggèrent que plutôt que d’interdire Tik Tok en Algérie, il serait plus efficace de renforcer la régulation et la sensibilisation. Des campagnes éducatives ciblant les jeunes et leurs parents pourraient être mises en place pour promouvoir une utilisation responsable des réseaux sociaux. De plus, le développement de contenus locaux de qualité pourrait offrir des alternatives attractives aux utilisateurs
Enfin, il est important de noter que l’Algérie a récemment introduit un code d’activité pour les influenceurs sur les réseaux sociaux, leur permettant de s’inscrire au registre du commerce sous le code « 617040 ». Cette mesure vise à encadrer l’activité des créateurs de contenu et à promouvoir une utilisation professionnelle et responsable des plateformes numériques.
Mesures de modération mises en place par TikTok
Face aux critiques croissantes autour de la sécurité, des dérives et de la nature de ses contenus, TikTok a mis en place un arsenal de mesures de modération, à la fois automatisées et humaines. Mais l’efficacité réelle de ces dispositifs varie fortement selon les pays.
TikTok utilise un système d’intelligence artificielle qui analyse chaque vidéo postée en temps réel. L’algorithme scanne les éléments visuels, la bande-son, les hashtags et même les commentaires pour détecter les contenus inappropriés : violence, nudité, incitation à la haine, contenus dangereux ou manipulation d’informations. Lorsque quelque chose est détecté comme contraire aux « Community Guidelines », la vidéo peut être :
- Supprimée automatiquement
- Signalée à un modérateur humain
- Rendue invisible (shadow banned) sans que l’utilisateur s’en aperçoive
Mais ce système a ses limites. Des contenus problématiques échappent encore à la détection, notamment quand ils utilisent des codes visuels flous ou du langage crypté.
En complément de l’IA, TikTok s’appuie sur des milliers de modérateurs humains, répartis dans plusieurs centres régionaux : Irlande, Dubaï, Singapour ou encore les États-Unis. Ces équipes passent en revue les contenus signalés par les utilisateurs ou marqués comme douteux par l’algorithme.
À ce jour, aucun centre de modération n’est établi en Algérie, et les modérateurs francophones ou arabophones couvrant l’Afrique du Nord sont souvent débordés. Cela retarde le traitement de certains contenus localement sensibles. Depuis 2020, TikTok publie tous les six mois un rapport de transparence listant les demandes officielles reçues des gouvernements (suppression de contenu, accès aux données, etc.). Des pays comme la Turquie, l’Inde ou la France y figurent régulièrement.