Le programme de résidence contre investissement, connu sous le nom de « Golden visa », pourrait vivre ses dernières heures dans un nouveau pays de l’espace Schengen. Cette décision, motivée par des préoccupations économiques et sociales, risque de bouleverser à la fois les flux d’investissement et les stratégies de mobilité internationale.
Longtemps perçu comme un outil puissant pour attirer les capitaux étrangers, le visa doré s’est implanté dans plusieurs États européens avec l’objectif de stimuler l’économie locale. En échange d’investissements conséquents, les bénéficiaires pouvaient obtenir un droit de séjour dans des pays attractifs, notamment au sein de l’espace Schengen. Mais la donne change. Après le Portugal ou l’Irlande, c’est au tour de l’Espagne d’envisager de tourner la page de ce programme emblématique. Et dans son sillage, un autre pays Schengen s’apprête à suivre cette voie.
Le Luxembourg, considéré comme un paradis pour les investisseurs en raison de sa stabilité économique et fiscale, a récemment annoncé qu’il envisageait sérieusement de supprimer son Golden visa. Le gouvernement local évoque la nécessité de mieux contrôler l’origine des fonds étrangers et de prévenir les risques de blanchiment d’argent. Une réorientation stratégique qui n’est pas sans conséquences sur les ambitions de nombreux candidats à la résidence européenne.
Le Golden visa Schengen de plus en plus controversé
Le Golden visa Schengen, popularisé à travers des programmes variés dans des pays comme l’Espagne, la Grèce, le Portugal ou encore la France, permet aux investisseurs étrangers d’accéder à un permis de séjour moyennant un investissement financier minimum. Le montant varie selon le pays : 500 000 € pour l’achat d’un bien immobilier en Espagne, 300 000 € en France pour un investissement immobilier, 350 000 € en Belgique pour la création d’une entreprise, ou encore 250 000 € au Portugal dans des fonds agréés.
À première vue, le système semblait gagnant-gagnant. Des pays en quête de capitaux frais pouvaient compter sur une manne financière, tandis que les investisseurs bénéficiaient d’un accès privilégié à un marché stable et riche. Cependant, ces dernières années, les critiques se sont multipliées. La spéculation immobilière est l’un des effets secondaires les plus décriés. À Barcelone, par exemple, la flambée des prix a rendu le logement inaccessible pour de nombreux résidents locaux. Même constat à Lisbonne, où l’arrivée massive d’investisseurs a fait grimper les loyers de manière spectaculaire.
Le Luxembourg recule face à l’immigration et l’investissement
Le cas du Luxembourg est emblématique de ce revirement. Bien que moins médiatisé que ses voisins, le pays propose depuis plusieurs années un visa de résidence basé sur l’investissement, à hauteur de 500 000 € pour une entreprise luxembourgeoise, ou 3 millions d’euros en gestion de fortune. Mais la pression sociale et les alertes répétées concernant les risques liés aux flux de capitaux non contrôlés ont poussé les autorités à revoir leur stratégie.
Les responsables politiques souhaitent désormais renforcer les mécanismes de transparence financière, tout en adaptant leur politique d’immigration à des enjeux plus durables. En clair, il ne s’agit plus seulement d’attirer de l’argent, mais des projets créateurs de valeur à long terme. Des pistes comme les visas pour startups ou les permis axés sur les compétences techniques sont déjà en discussion dans plusieurs pays européens.
La spéculation immobilière provoque des inégalités et une tension sociale
Le visa doré a souvent été accusé d’aggraver les déséquilibres sociaux. Dans plusieurs capitales européennes, les populations locales dénoncent la montée des prix, alimentée par l’achat de biens de prestige laissés vacants. La promesse d’un retour économique n’a pas toujours été au rendez-vous. En effet, les investissements n’ont pas systématiquement créé d’emplois durables ou soutenu les secteurs les plus vulnérables.
Ce phénomène pousse les gouvernements à réévaluer leurs priorités. En Espagne, le gouvernement a annoncé la fin du programme dès 2025, avec pour objectif affiché de « rendre le logement plus accessible ». Une décision qui s’inscrit dans une dynamique plus large, celle d’un recentrage de l’investissement étranger vers des secteurs jugés plus inclusifs ou innovants.
Vers de nouvelles formes de résidence pour investisseurs ?

Les pays de l’espace Schengen ne ferment pas la porte aux étrangers fortunés, mais ils veulent désormais poser des conditions plus strictes. L’Italie, par exemple, propose des visas pour investisseurs avec des seuils élevés et un encadrement renforcé. La Grèce, quant à elle, planche sur des programmes pour entrepreneurs et talents technologiques, misant sur une immigration basée sur la compétence plutôt que sur la fortune.
Des critères comme la durabilité environnementale, la création d’emplois locaux ou encore le transfert de savoir-faire deviennent peu à peu les nouvelles références. Dans les couloirs de Bruxelles, on évoque même une future harmonisation européenne de ces dispositifs, afin d’éviter les stratégies de contournement entre pays.
Mobilité internationale et attractivité en question
La remise en cause des Golden visas Schengen pose également la question de la mobilité internationale. Ces programmes permettaient à de nombreux investisseurs de sécuriser une résidence secondaire en Europe, d’accéder au marché unique ou d’envisager une installation progressive. Leur disparition pourrait rediriger les flux d’investissements vers d’autres régions du monde, comme les Émirats arabes unis ou certains pays d’Asie du Sud-Est, qui proposent encore des dispositifs attractifs.
Pour les entreprises européennes, notamment dans les secteurs innovants, cette évolution représente un risque potentiel : la baisse d’arrivée de profils internationaux pourrait ralentir certains projets, en particulier ceux qui comptaient sur une diversité culturelle et financière.
Le débat reste ouvert, mais une chose est sûre : le modèle du visa contre investissement ne fait plus l’unanimité en Europe. Et le Luxembourg pourrait bien être le prochain domino à tomber dans cette série de réformes en cascade.