La retraite des Algériens en France se trouve à nouveau au centre d’une réforme controversée qui pourrait modifier radicalement les conditions d’accès à leurs pensions. Il s’agit là d’un amendement qui met en lumière une nouvelle pression sur tous les retraités, mais principalement les retraités algériens.
Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est actuellement en discussion, cet amendement obligerait les retraités hors de France à se présenter devant les consuls pour prouver leur existence, au risque de voir leur pension suspendue si ce n’est pas le cas. Or, les retraités algériens représentent un groupe non négligeable parmi les bénéficiaires de pensions françaises à l’étranger, et ce changement suscite de vives inquiétudes.
Situation des retraités algériens et la nouvelle procédure de vérification
La loi proposée par le député Fabien Di Filippo vient taper sur les pensions des retraités vivant à l’étranger et plus particulièrement en Algérie. Selon le nouvel amendement, ces bénéficiaires de retraite seraient contraints de se rendre chaque année dans l’un des consulats français d’Alger, d’Oran ou de Constantine pour prouver qu’ils sont toujours en vie.
Une telle démarche peut se révéler très complexe et pénible pour des milliers de retraités, notamment pour la majorité d’entre eux touchés par l’âge et les maladies. Le texte, qui vient dans un cadre de lutte contre la fraude à la retraite, vise à encadrer les versements dans le but d’éviter des paiements indus… Mais cette nouvelle obligation est susceptible de pénaliser davantage une population déjà vulnérable.
Dans l’objectif de rendre ses arguments plus convaincants, le député de la droite républicaine a mis l’accent sur la retraite des Algériens en France, évoquant un programme spécifique lancé en 2022 à Alger par le gouvernement français visant à « vérifier l’existence des retraités âgés de presque cent ans ». Cela aurait amené à la constatation que près de 30 % des 1 000 retraités algériens de plus de 98 ans convoqués ne s’étaient pas présentés, entraînant la suspension de leur pension,
Ce chiffre a permis d’étendre le contrôle à l’ensemble des retraités algériens. Une extension qui pourrait aggraver les tensions entre les deux pays déjà affectés par une crise diplomatique. Certains retraités sont mécontents, reprochant à la France de remettre en cause leur dignité après avoir tant travaillé et contribué à l’économie française.
La lutte contre la fraude : un objectif ambigu
Il s’agit de l’argument principal avancé en faveur de cette réforme, la fraude étant évaluée selon la Cour des comptes à 9 milliards d’euros. En effet, la fraude consisterait précisément dans le fait que certains décès de bénéficiaires de pension ne seraient pas toujours signalés « dans les temps ». On ne peut que constater que l’application de ce contrôle strict sur la retraite des Algériens en France paraît démesurée, et sa réforme constituant même une stigmatisation d’une communauté donnée semble bien être perçue par les intéressés.
La France, au demeurant, qui verse chaque mois plus de 100 millions d’euros par mois en pensions à 405,351 retraités algériens résidents dans le pays, soit 1,2 milliard d’euros par an selon un précédent rapport sur la question de l’Assemblée nationale française, pourrait chercher à réduire ce montant en imposant une rigueur toute nouvelle. Ce même rapport précise encore que les retraités algériens sont en première position des ressortissants étrangers bénéficiant de pensions de retraite versées par la France, suivis des ressortissants portugais (174 000 retraités), espagnols (175 000) et marocains (65 000).
Retraite des Algériens en France en difficulté
Les retraités algériens de France vivent principalement en Algérie, et pour beaucoup d’entre eux, la réforme des retraites risque de constituer une véritable contrainte. Les consulats français, qui se trouvent dans les grandes villes, sont parfois bien éloignés des zones rurales où habitent les retraités. Dans ces conditions, dans certains cas, c’est un parcours de plusieurs centaines de kilomètres qu’il faudra faire pour se rendre au consulat pour prouver son existence. Il s’agit d’un défi logistique d’ampleur, d’autant plus que beaucoup d’entre eux souffrent de maladies chroniques. Derrière cette exigence, c’est un obstacle qui transforme une procédure administrative simple en un véritable parcours du combattant que l’on impose à ces personnes qui ne sont pas toutes valides.
Révision des modalités d’accès aux pensions des retraités : des mesures controversées.
L’amendement portant le numéro « AS90 » a été déposé au projet de loi de financement de la Sécurité sociale après que le texte de la précédente loi de finances ait été abandonné à la suite du renversement du gouvernement de Michel Barnier. Proposé par le député de droite Fabien Di Filippo, cet amendement dispose que les retraités résidant hors de France doivent se présenter chaque année en personne devant les autorités consulaires françaises ou devant tout représentant agréé par les représentations diplomatiques françaises.
Ce nouvel amendement se réalise sur fond de tensions politiques importantes entre la France et l’Algérie, et précise que ce contrôle doit s’effectuer dans les modalités fixées par un décret du Conseil d’état et qu’en tout état de cause, s’il est constaté une omission à cette obligation, le versement de la pension sera suspendu de plein droit. Pour justifier cette mesure, le député a fait valoir qu’au dernier chiffre fourni par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, « environ un million de retraités à l’étranger » perçoivent des pensions françaises, dont « plus de la moitié en dehors de l’Europe. »
Il est important de préciser que les retraités concernés ne sont pas seulement les retraités algériens, les dispositions du projet de loi sur la Sécurité sociale toucheront également d’autres catégories de retraités vivant à l’étranger. Cependant, il est certain que les retraités algériens seront les plus touchés par cette nouvelle contrainte. Ces personnes âgées qui ont, pour la plupart, vécu leur vie en France devront se soumettre à un ensemble de démarches administratives contraignantes et couteuses.