En effet, selon le calendrier islamique, l’Aïd El Fitr, qui marque la fin du Ramadan, pourrait, en 2025, correspondre au même jour que le changement d’horaire, événement plutôt rare en France. C’est un phénomène étonnant, à la croisée de la tradition religieuse et des normes du droit civil.
Le jour de l’Aïd El Fitr, fête marquant la fin d’un mois de jeûne, se détermine suivant le calendrier lunaire, c’est-à-dire qu’il peut varier chaque année. En 2025, le mois de Ramadan commence le vendredi 28 février ou le samedi 1er mars selon l’observation de la lune et il dure 29 ou 30 jours, autrement dit jusqu’au samedi 29 mars ou au dimanche 30 mars. La fin du Ramadan est, en effet, intimement liée à la visibilité du croissant lunaire et les dates précises ne sont arrêtées qu’après une observation du ciel.
Or, le dimanche 30 mars 2025, jour où l’Aïd El Fitr pourrait être célébré, sera également le jour du passage à l’heure d’été, jour où il faudra avancer d’une heure ses horloges. C’est une coïncidence rare que de vivre en même temps un évènement religieux et un évènement temporel, qui pourrait perturber les horaires de la pratique religieuse.
Changement d’horaire et impact sur les musulmans pratiquants
Pour les musulmans fidèles à leur religion, l’Aïd El Fitr est une fête très importante, qui marque la fin d’un mois de jeûne, et est d’autant plus attendue qu’elle est synonyme de réjouissances. De façon traditionnelle, elle commence par une prière matinale, et donne lieu à des moments de convivialité en famille et entre amis. Or, cette année, le passage à l’heure d’été, pourrait bouleverser les horaires liés à cette journée.
Alors que la nuit du samedi 29 au dimanche 30 mars 2025 devait enregistrer le changement d’heure, celui-ci représentait le « passage » de l’heure d’hiver à l’heure d’été qui fait « perdre » une heure, donc avancer les horloges d’une heure. Ce changement d’horaire en France a été introduit après le choc pétrolier de 1973-1974 pour réduire la consommation d’énergie pour l’éclairage artificiel, en cherchant à optimiser l’usage des heures de lumière naturelle en modifiant les horaires d’activités. En 1998, l’Union européenne a appliqué, sur la recommandation du Conseil de l’Europe, l’uniformisation des dates du changement d’heure des membres de l’Union.
Les musulmans, qui surveillent scrupuleusement les horaires de prière et de rupture du jeûne, se voient ainsi perturbés dans un emploi du temps emblématique. Si l’Aïd El Fitr tombe le dimanche 30 mars 2025, ils devront attendre une heure de plus que les jours précédents pour rompre le jeûne (iftar). Cet aspect peut amener à une certaine confusion ou demande d’aménagement dans l’agencement de cette journée. Notamment, si cette rupture est un moment où se rassemblent famille et amis.
En outre, les horaires des prières, qui dépendent des positions du soleil et d’heures précises de la journée, devront être synchronisés avec ce changement d’horaire. Les musulmans prieront, par exemple, en horaires d’été plutôt qu’en horaires d’hiver, comme cela sera pratiqué durant les jours précédant celle-ci. Les prières du matin, de l’après-midi, du coucher du soleil et du soir, qui jalonnent la journée de tout un chacun, devront ainsi être réadaptées à ce décalage d’une heure. Si ces ajustements sont relativement simples à effectuer pour tout un chacun, ils le sont moins pour les familles et les gens qui organisent des événements communautaires ou familiaux.
Le rôle de la nuit du doute dans la détermination des dates
Une des singularités du calendrier musulman est la méthode de détermination des dates des grandes célébrations religieuses, notamment celle du début et de la fin du mois de ramadan. En France, la méthode utilisée est celle de la Grande Mosquée de Paris, qui repose sur l’observation visuelle de la nouvelle lune dans le cadre d’une cérémonie symbolique et essentielle, appelée Nuit du doute, permettant de valider les éventuelles dates de Ramadan et d’Aïd. En effet, même si des calculs astronomiques indiquent que le début du Ramadan 2025 pourrait commencer le 1er mars, la décision ne sera prise qu’après l’observation de la nouvelle lune.
Dans l’hypothèse où le croissant de lune serait visible au 28 février 2025, cela impliquerait que le Ramadan commencerait le 1er mars et se terminerait vers le 30 mars ; cela étant, on sait que la « Nuit du doute » peut entraîner un décalage de 24 heures : les dates du Ramadan peuvent être modifiées, d’où la possibilité de célébrer l’Aïd El Fitr le lundi 31 mars. Il est donc fort probable que la fin du ramadan et la fête de l’Aïd coïncident avec le début de l’heure d’été en mars, constituant ainsi un alignement des événements peu habituel.
La Grande Mosquée de Paris indique qu’« un décalage d’une journée est possible », et ce, en raison des aléas liés à l’observation de la lune qui détermine à la fois le début et la fin des mois qui composent le calendrier islamique et qui détermine donc la date d’Aïd, mais aussi la fin du ramadan, comme le mois suivant, le mois de chawwal, le dixième mois du calendrier musulman.
Changement d’heure : l’UE toujours indécise sur sa suppression
En septembre 2018, la Commission européenne proposait d’abandonner définitivement ce changement d’heure dès 2021, après qu’une majorité de 84 % des Européens se soit prononcée pour sa suppression. En 2019, le Parlement européen avait voté pour la fin de ce système dans tous les pays de l’UE. Ceci dit, chaque État membre était libre de choisir entre l’heure d’hiver et l’heure d’été. En France, 59 % ont opté pour garder l’heure d’été.
Les pays de l’UE devaient se prononcer avant le 1er avril 2020, mais la crise sanitaire a fait reculer ce processus. Le site du service public précise d’ailleurs que « La fin du changement d’heure a été reportée en raison de la crise sanitaire de la COVID-19, cette question ne fait plus partie de l’ordre du jour ! ». Depuis, chaque passage à l’heure d’été ou d’hiver laisse entendre que ça pourrait être le dernier.