Une famille algérienne au Québec vit un blocage administratif qui les empêche de travailler depuis plusieurs mois. Installé au Canada depuis 2023, leur quotidien est suspendu à des délais incertains imposés par Immigration Canada.
Lorsqu’ils ont posé leurs valises à Saguenay à l’été 2023, Siham Tazi et Nadir Hatraf étaient animés par un projet simple, celui d’offrir à leurs enfants une vie meilleure, avec plus d’opportunités et une ouverture sur une nouvelle culture. Ce rêve, mûri depuis un voyage qu’ils ont fait en 2017, s’est transformé en un parcours semé d’obstacles administratifs.
Malgré leur intégration, un apprentissage du français, du bénévolat, la scolarisation des enfants et leur adaptation à la culture locale, le couple se retrouve aujourd’hui dans une impasse. Depuis juin, ni Siham ni Nadir ne peuvent légalement travailler en raison des délais de traitement prolongés, des règles strictes autour des permis fermés et une réforme qui les a laissés dans une situation précaire.
Une famille algérienne au Québec piégée dans un système à double vitesse
Arrivés grâce à un permis de travail fermé, Nadir Hatraf, opticien de formation et de métier, était lié à un employeur précis à Saint-Hyacinthe. Ce type de permis restreint la mobilité professionnelle et géographique. Il interdit tout changement d’entreprise, de poste ou même de ville sans une nouvelle autorisation officielle. Lorsque son contrat a pris fin, le renouvellement s’est compliqué.
Les raisons ? Des exigences inattendues de l’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec. Pour valider son métier d’opticien au Canada, Nadir aurait dû suivre des modules de formation sur trois ans, en présentiel. Or, avec un permis de travail fermé, il n’a pas le droit d’étudier. Pour cela, il lui faudrait demander un permis d’études, ce qui n’est pas envisageable avec une famille à charge et sans revenu stable.
Immigration Canada : entre délais interminables et manque de clarté
Dans l’attente, Nadir a réussi à décrocher un nouvel emploi chez Optique Cristal à Chicoutimi. Le laboratoire, en pleine croissance, a besoin de personnel qualifié. Le recrutement de Nadir semblait n’être qu’une simple formalité. Pourtant, neuf mois plus tard, son dossier est toujours bloqué.
L’entreprise, qui a fait appel à une firme spécialisée pour gérer la demande, reste, elle aussi, sans nouvelles. Dominic Pagé, son directeur, ne cache pas sa frustration. Selon lui, les procédures se sont durcies avec les nouvelles politiques d’immigration. Il déplore l’absence de suivi et le manque de visibilité pour les employeurs comme pour les travailleurs.
Ce flou laisse toute la famille dans une attente passive. « Au lieu de travailler pour le gouvernement canadien, payer des impôts comme tout le monde et contribuer au développement de l’économie du pays, non : je reste là. J’attends », s’indigne Nadir. Une situation d’autant plus délicate qu’elle impacte chaque membre du foyer.
Entre incertitude et espoir, une vie sur pause
Pendant ce temps, les enfants du couple poursuivent leur scolarité. La famille continue de s’intégrer, tout en vivant dans l’ombre de décisions qu’elle ne maîtrise pas. L’angoisse monte à l’approche du 22 avril, date à laquelle Siham et son fils pourraient être contraints de quitter le territoire.
Le père et la fille, eux, sont dans une zone grise administrative. Rien n’est confirmé, tout reste suspendu. L’idée de devoir tout abandonner, vendre la maison, repartir à zéro… devient une perspective de plus en plus concrète.
Siham, qui était architecte en Algérie, dit ne plus avoir l’énergie de recommencer ailleurs. “On s’est adapté, on a appris, on s’est investi dans cette vie. Si on reçoit un refus demain, on partira. Mais donnez-nous au moins la chance de travailler en attendant”, plaide-t-elle, et rajoute : « Il se pourrait qu’on décide de partir aujourd’hui et qu’on reçoive la réponse positive demain. On va faire quoi ?
Le dossier suit toujours son cours. La réponse d’Immigration Canada pourrait arriver à tout moment. Mais pour cette famille algérienne installée au Québec, chaque jour qui passe est une épreuve silencieuse. Entre démarches en attente, avenir incertain et vie figée, le rêve canadien prend les contours d’un labyrinthe administratif dont ils espèrent encore trouver la sortie.