Le mégaprojet de Rebrab en France précisément dans les Ardennes devait marquer un tournant industriel avec ses promesses d’emplois et d’investissements. Cinq ans plus tard, il s’est effondré. Que s’est-il passé pour que cet ambitieux projet devienne un échec ? Retour sur l’histoire d’un échec.
C’était un projet qui devait marquer l’histoire industrielle des Ardennes. Issad Rebrab, magnat algérien et fondateur de Cevital, avait annoncé en grande pompe, la construction d’une usine révolutionnaire sur les ruines de l’ancien site « PSA ». Le projet, avec ses promesses d’emplois et d’investissement devait être le symbole d’une renaissance industrielle. Mais, cinq ans plus tard, Plus rien. La collectivité locale a récupéré le terrain, et Rebrab quitte les lieux par la petite porte.
En novembre 2018 quand Issad Rebrab PDG de Cevital à l’époque, débarque en France avec son projet, c’est le coup d’éclat. Un investissement de 300 millions d’euros, une usine ultra-moderne de production de panneaux de verre et de traitement de l’aluminium et surtout une technologie de pointe pour la purification de l’eau.
Le projet de la purification d’eau en Ardennes
Le projet de Rebrab en France portait sur la création d’une usine innovante aux Ayvelles, près de Charleville-Mézières dans les Ardennes, spécialisée dans le traitement de l’eau ultra-pure via sa filiale EvCon de Cevital, il était question d’utiliser une technologie allemande avancée pour la purification de l’eau, qui se concentre sur des procédés économes en énergie et respectueux de l’environnement. Conscient de la valeur du savoir-faire industriel ardennais, l’industriel Algérien avait souligné que « les Ardennais sont des grands travailleurs, rompus à la très haute technologie ».
Sur le papier, ça fait rêver, cet investissement, évalué à plusieurs centaines de millions d’euros, devait créer 1 000 emplois directs dans une région marquée par la désindustrialisation, un territoire en difficulté qui reprend vie. C’était le jackpot pour tout le monde. Le gouvernement français, cherchant à attirer des investissements étrangers, déroulait le tapis rouge pour Rebrab qui désirait s’ancrer sur le sol européen, Emmanuel Macron lui-même croyait fermement en ce partenariat. Mais l’histoire a pris un tournant amer. Finalement, le projet EvCon de Cevital dans les Ardennes a été un château de cartes. Derrière les annonces, les conférences de presse et les accolades entre dirigeants, la réalité a rapidement rattrapé tout le monde.
Projet de Rebrab en France, les coulisses de l’échec
Le 15 juin 2023, un communiqué a été émis par Ardenne Métropole au sujet du rachat de certaines installations du site Stellantis à Villers-Semeuse, initialement prévu pour le projet Cevital. Selon les informations de Radio 8 Ardennes, cette acquisition porte sur une surface industrielle de plus de 8 800 m².
C’est officiel, quatre ans et sept mois plus tard, le mégaprojet de Rebrab en France est mort, la communauté d’agglomération Ardenne Métropole tourne la page Cevital et achète le site pour acquérir ce bâtiment industriel, avec deux bâtiments attenants , elle récupère le terrain autrefois promis à la grande usine Cevital et le réserve désormais pour un autre projet, plus ancré dans la réalité. La région, bien que déçue, n’a pas l’intention de se laisser abattre. Ce site stratégique reste un atout, et d’autres investisseurs pourront prendre la relève. Pour les Ardennes, cet échec pourrait bien se transformer en opportunité, mais pour Rebrab, c’est une tout autre histoire. Parmi les principales raisons de l’échec de ce projet :
- 1 – Finances en chute libre : Derrière l’empire de Rebrab, tout n’était pas aussi solide qu’il n’y paraissait. Les ressources financières, qui semblaient inépuisables, se sont peu à peu taries. Cevital a commencé à plonger dans des difficultés financières, frappé par des pertes et des choix de diversification hasardeux. Le projet français, malgré ses promesses, n’a jamais trouvé les fonds nécessaires pour démarrer.
- 2 – L’enfer administratif : La France, avec sa légendaire bureaucratie, a fait le reste. Autorisations à rallonge, obstacles réglementaires, normes environnementales , chaque étape était un casse-tête. À tel point que le chantier n’a jamais été réellement lancé.
- 3 – Le coup de grâce judiciaire : Et comme si ça ne suffisait pas, en 2019, Issad Rebrab est pris dans la tourmente judiciaire en Algérie. Accusé de fraude fiscale et d’évasion de capitaux, il est condamné et passe même par la case prison. EvCon. le projet en France se retrouve ainsi sans capitaine. L’homme fort de Cevital est à terre, et avec lui, toutes les promesses faites aux Ardennes. Bien qu’il ait été mis à l’arrêt en 2019, la sortie de Rebrab de prison en 2020 a ravivé les espoirs pour une reprise. Cette usine pourrait constituer un acteur clé dans la filière de traitement de l’eau en Europe, profitant des nombreuses demandes locales et internationales pour des technologies vertes. Cependant, malgré le soutien politique initial, l’évolution de ce projet est resté incertaine.
Rebrab, un empire en difficulté
L’avortement du projet de Rebrab en France reflète également les difficultés plus larges rencontrées par Issad Rebrab ces dernières années. Longtemps considéré comme un homme d’affaires prospère, bâtissant un empire industriel avec Cevital, Rebrab a vu sa fortune et son influence diminuer. En 2019, Rebrab a été impliqué dans des affaires judiciaires en Algérie. Accusé de fraude fiscale, de faux et usage de faux, il a été condamné à une peine de prison avec sursis. Ces démêlés judiciaires ont fortement entaché son image, alors même qu’il était reconnu pour son rôle dans la diversification de l’économie algérienne.
En 2020, Issad Rebrab a annoncé son retrait de la direction de Cevital, laissant les rênes de l’entreprise à son fils, Malik Rebrab. Cependant, la transition n’a pas été aisée. Malgré les efforts pour relancer l’activité et moderniser l’entreprise, Cevital peine à retrouver la dynamique qui a fait son succès dans les années 2000.
Selon les estimations récentes, la fortune de Rebrab, autrefois évaluée à plusieurs milliards de dollars, a considérablement chuté. En novembre 2024, elle est estimée selon Forbes, à environ 2,5 milliards de dollars, loin des sommets qu’il avait atteints au début des années 2010. Cette diminution s’explique par les difficultés rencontrées par Cevital dans ses différents projets, non seulement en Algérie, mais aussi à l’international, comme c’est le cas avec l’échec du projet en France.
Malik Rebrab, l’héritier en pleine tempête
Pendant ce temps, Malik Rebrab , le fils d’Issad, tente de reprendre les rênes d’un empire autrefois prospère mais désormais en difficulté. Avec la fortune prospère de la famille, Cevital a longtemps été un modèle de succès industriel en Algérie et au-delà. Issad avait bâti ce conglomérat en s’appuyant sur sa vision et son audace, diversifiant les activités de Cevital dans des secteurs comme l’agroalimentaire, l’industrie et l’énergie
L’héritage que Malik reçoit est marqué par des dettes croissantes et des projets en suspens dont certains ont été freinés par des procédures judiciaires et des obstacles administratifs, notamment en Europe. Le fils Rebrab doit naviguer dans un environnement autre, avec un besoin impératif de moderniser et de restructurer Cevital pour séduire de nouveaux investisseurs.
Sa tâche est de rétablir la confiance des partenaires financiers et de stabiliser la réputation de Cevital, mise à mal par les récents défis rencontrés. Malik n’est pas Issad. Si son père avait su bâtir un empire presque à la seule force de son caractère, Malik hérite d’une situation beaucoup plus complexe. l’héritage est lourd il faut trouver une nouvelle direction pour un groupe autrefois glorieux mais aujourd’hui en pleine incertitude.