Le prix de l’euro explose face au dinar sur le marché noir en Algérie, atteignant un niveau inédit depuis plusieurs mois. Cette flambée inattendue soulève des inquiétudes sur l’accès aux devises, dans un contexte marqué par des incertitudes autour de la mise en place de la nouvelle allocation touristique.
Le marché parallèle des devises en Algérie donne de nouveau des sueurs froides aux cambistes et aux voyageurs. Ces derniers jours, une montée en flèche du cours de l’euro a pris tout le monde de court, atteignant des sommets qu’on n’avait plus vus depuis près de cinq mois. Dans un contexte économique déjà fragile, ce regain de tension sur les devises a de quoi interroger sur les dynamiques profondes qui bousculent l’équilibre monétaire du pays.
Ce lundi 14 avril, les changeurs du Square Port-Saïd à Alger affichaient un taux de 257 dinars algériens pour un euro. Un chiffre qui, au-delà de sa valeur faciale, en dit long sur les incertitudes ambiantes. En à peine 24 heures, la devise européenne a gagné trois dinars sur le marché parallèle, grimpant de 254 à 257 DZD. Cette poussée vers le haut rappelle son pic du 19 novembre dernier, lorsqu’elle s’échangeait à 257,5 DZD, après quoi elle avait connu une série de baisses prolongées jusqu’à tomber à 262 DZD le 19 décembre, son record absolu.
Prix de l’euro explose face au dinar : quelles raisons derrière cette flambée ?
Plusieurs éléments expliquent cette soudaine réévaluation de l’euro sur le marché parallèle algérien. D’abord, il faut souligner une période récente de stabilité relative autour dès 250 dinars. Mais cette accalmie n’a pas duré. L’annonce du lancement imminent, mais toujours incertain, de la nouvelle allocation touristique de 750 euros, prévue pour entrer en vigueur à partir du 15 avril, a ravivé la spéculation. Beaucoup anticipent un déséquilibre entre l’offre et la demande, ce qui pousse les taux à la hausse.
Or, à ce jour, la Banque d’Algérie n’a toujours pas précisé les modalités concrètes de distribution de cette allocation. Ce flou alimente la spéculation, renforçant la perception que les devises étrangères pourraient devenir plus difficiles d’accès dans les semaines à venir. Et en l’absence de mécanismes clairs, le marché noir reste le recours privilégié pour beaucoup d’Algériens cherchant à obtenir de la devise.
Parallèlement, le contexte international n’est pas étranger à cette dynamique. Sur le marché mondial, l’euro connaît une phase de regain de vigueur face au dollar, atteignant récemment 1,143 dollars, son niveau le plus élevé depuis trois ans. Cette tendance globale finit par se répercuter, d’une manière ou d’une autre, sur les marchés informels en Algérie, surtout dans un pays où l’accès aux devises est restreint et fortement encadré.
Marché informel vs marché officiel : une fracture persistante
L’écart entre le taux du marché parallèle et le taux officiel reste significatif. Tandis que l’euro avoisine les 257 DZD dans la rue, il est officiellement coté à seulement 146,16 dinars à la vente, selon les chiffres de la Banque d’Algérie arrêtés au 14 avril. Même constat pour le dollar, qui se stabilise à 133,58 dinars sur le marché officiel, contre 238 dinars au Square Port-Said.
Cette distorsion entre les deux marchés témoigne d’un déséquilibre structurel profond. Le marché officiel ne répond pas à la demande réelle en devises, poussant particuliers et entreprises à se tourner vers le marché informel. Une situation qui, loin de s’améliorer, semble s’enliser au fil des annonces sans suite concrète. L’écart devient un indicateur indirect mais fiable de la confiance (ou de l’absence de confiance) dans les mécanismes officiels de change.
Une pression supplémentaire sur le pouvoir d’achat
Cette envolée de l’euro a aussi un impact direct sur le quotidien des Algériens. Avec un salaire minimum fixé à 20 000 dinars par mois, l’achat de devises devient de plus en plus inaccessible. Par exemple, 100 euros s’échangent aujourd’hui à plus de 25 700 dinars sur le marché noir, soit plus qu’un Smig entier. Autant dire que les voyages à l’étranger, les études ou même les soins médicaux hors du pays deviennent des projets de plus en plus difficiles à financer sans un accès privilégié à des sources de devises.
Ce décalage entre les réalités du marché et les capacités financières de la majorité de la population crée une pression sociale latente. Certains n’hésitent pas à évoquer une forme de « fracture monétaire » entre ceux qui peuvent contourner les restrictions et ceux qui en subissent les effets de plein fouet.
La date du 15 avril était très attendue comme un tournant potentiel. Mais à la veille de cette échéance, le flou persiste, et les attentes restent suspendues à des annonces qui tardent à se concrétiser. Pour l’heure, le dinar continue de céder du terrain et l’euro, lui, trace sa route vers de nouveaux sommets.