Le mariage des sans-papiers sera-t-il interdit en France ? ce projet de loi approuvé par le Sénat le jeudi 20 février, interdit les mariages en France lorsque l’un des époux est un étranger en situation irrégulière. Cette loi a pour objectif de lutter contre les mariages frauduleux.
Avant la décision du Sénat sur cette proposition de loi, le mariage des sans-papiers est un sujet qui ne cesse de diviser en France entre d’une part, les défenseurs du droit au mariage qui insistent sur le caractère fondamental de cette liberté, protégée par la Constitution, et d’autre part, certains élus sont pour l’application de cette loi, comme le sénateur Stéphane Demilly, ils estiment qu’il est nécessaire de restreindre l’accès au mariage pour les étrangers en situation irrégulière. Selon eux, cette mesure est une réponse aux mariages de complaisance, souvent utilisés comme moyen de régularisation administrative pour les sans-papiers. Mais est-ce une mesure légitime ?
Dans un contexte où des affaires comme celle du maire de Hautmont ont fait la une, la proposition de loi qui stipule que « Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national » prend une tournure importante. Les maires, qui sont actuellement responsables de la célébration des mariages, se trouvent souvent dans une position délicate lorsqu’ils sont confrontés à des unions impliquant des étrangers sous OQTF (obligation de quitter le territoire français).
Le sénateur Stéphane Demilly, à l’origine du projet, souligne la nécessité de protéger les élus locaux de toute poursuite en cas de refus de célébrer un tel mariage. Cependant, une telle démarche soulève des questions complexes sur le respect des droits humains et l’équilibre à trouver entre sécurité nationale et libertés individuelles.
Mariage des sans-papiers interdit en France : de quoi parle-t-on ?
La proposition de loi sur le mariage des sans-papiers vient d’un constat, des situations où des étrangers en situation irrégulière utilisent le mariage pour contourner les règles migratoires. À titre d’exemple, il arrive qu’un mariage soit utilisé comme un moyen de faciliter la régularisation administrative, ce qui amène à se poser la question de la légitimité de certains mariages. Le texte de la loi vise alors à interdire à tout français de s’unir sur le sol français à un étranger en situation irrégulière.
Un maire pourrait donc prochainement refuser de célébrer un mariage si un des époux est un étranger sans titre de séjour valide sans risquer de poursuites. Selon Stéphane Demilly, cette mesure vise à mettre fin à une faille législative existante. L’objectif est d’uniformiser les règles de manière à ne pas avoir des décisions divergentes ou arbitraires dans des cas similaires, tout en apportant davantage de visibilité aux élus locaux.
En pratique, le projet de loi qui a été approuvé par le Sénat le 20 février, stipule que toute personne séjournant de manière irrégulière en France ne pourra pas se marier, sauf si elle peut prouver qu’elle dispose d’un titre de séjour valide. Cette mesure, qui repose sur un article unique, aurait des conséquences directes pour les étrangers sous OQTF (obligation de quitter le territoire français), mais aussi pour ceux qui ne possèdent pas de documents administratifs en règle.
Les préoccupations des maires et des autorités
Actuellement, un maire qui refuse de célébrer un mariage risque des sanctions sévères, allant jusqu’à 75 000 euros d’amende et cinq ans de prison. L’autorité du maire pourrait même être suspendue ou révoquée par le ministre de l’Intérieur ou par le conseil des ministres. La proposition de loi vise donc à mettre fin à cette situation complexe et délicate, en donnant plus de marge de manœuvre aux maires qui pourraient se retrouver dans des situations où leur décision pourrait être contestée.
Cette réforme trouve son origine dans une affaire qui a secoué la France en décembre 2023. Le maire de Hautmont, dans le Nord, avait refusé de célébrer le mariage d’un étranger sous OQTF, ancien président d’une mosquée fermée pour apologie du djihad armé. Ce refus avait conduit à une procédure judiciaire et à des menaces de mort à l’encontre de l’élu. Cet incident a mis en lumière les failles du système actuel, notamment le manque de protection juridique pour les maires confrontés à des situations complexes.
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a exprimé son soutien au projet de loi, soulignant qu’il s’agissait de « bon sens ». Selon lui, le mariage est un droit, mais il ne doit pas servir de « passe-droit » pour obtenir une régularisation administrative des sans-papiers. Cette idée s’inspire du modèle danois, où des règles similaires existent depuis 2002, interdisant le mariage aux étrangers en situation irrégulière.
Des obstacles juridiques possibles pour cette loi
Un des défis majeurs auxquels pourrait se heurter cette proposition est la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En 2003, ce dernier a jugé que l’interdiction d’un mariage sur la seule base du statut migratoire constituait une atteinte disproportionnée au droit fondamental au mariage, protégé par la Constitution et la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen. Pour contourner cette difficulté, Gérald Darmanin propose que les maires puissent obtenir gain de cause si le procureur ne répond pas dans un délai raisonnable. Actuellement, la loi stipule que, si le procureur ne s’oppose pas explicitement au mariage, le maire est tenu de célébrer l’union.
Le débat sur les mariages entre Français et étrangers en situation irrégulière a aussi été alimenté par des affaires récentes, comme celle du maire de Béziers, Robert Ménard, qui a refusé de célébrer le mariage d’un homme sous OQTF avec une Française. Cette situation a abouti à une procédure judiciaire contre lui, et l’élu risque une lourde peine pour avoir enfreint la loi. Des élus locaux, notamment à droite, estiment que de telles situations sont « absurdes » et qu’elles méritent une révision législative. Ils appellent à une interdiction formelle des mariages entre Français et étrangers sans titre de séjour valide, tout en mettant en avant la question du respect de l’ordre public et des lois en vigueur.
Cette interdiction du mariage entre Français et étrangers en situation irrégulière pourrait concerner un certain nombre de couples en situation mixte à Mayotte, en 2017, d’après l’Insee, trois couples sur dix qui se mariaient dans cette collectivité étaient mixtes, l’un des deux partenaires étant né en France, l’autre à l’étranger.
Le soutien des élus et les réactions des opposants
Des voix se sont manifestées sur le terrain politique pour apporter un soutien à cette proposition de loi. Notamment, des parlementaires issus de la droite, comme la députée Alexandra Martin, pour qui il est plus que nécessaire de clarifier la situation juridique des mariages pour éviter tout abus et garantir la légitimité des unions contractées. Toutefois, cette proposition a aussi ses détracteurs.
Ceux qui s’opposent à cette loi soulignent qu’elle pourrait poser des problèmes pour les couples mixtes, où l’un des conjoints est en situation irrégulière alors que la relation entre les partenaires est sincère. Certains vont jusqu’à dire que cette législation pourrait entraîner des discriminations indirectes et stigmatiser davantage les étrangers, en particulier ceux qui n’ont pas encore régularisé leur situation administrative, même si leurs relations sont authentiques.
Dans l’attente d’une décision du conseil constitutionnel, cette loi continue d’alimenter une discussion essentielle sur la façon dont la France doit gérer les sujets liés à l’immigration, à la régularisation des sans-papiers et au respect des libertés individuelles.