L’Algérie s’apprête à introduire une réforme ambitieuse en augmentant considérablement la nouvelle allocation touristique. Mais alors que les citoyens espéraient voir cette mesure appliquée dès janvier 2025, elle ne dépasse pas encore le stade de l’annonce puisque les détails concernant sa date d’application restent inconnus.
L’annonce de l’augmentation de l’allocation touristique 2025 en Algérie avait suscité un grand espoir parmi les voyageurs. Promulguée par le président de la république le 8 décembre dernier selon un communiqué du conseil des ministres, cette mesure ambitieuse prévoyait de multiplicateur par 7,5 le montant actuel de l’allocation, une réforme longtemps attendue. Cependant, au début de l’année 2025, cette réforme reste en suspens, plongeant les citoyens dans une incertitude prolongée. Alors pourquoi ce retard ? Quels obstacles freinent l’application de cette mesure ?
Le président Tebboune avait présenté cette réforme comme un tournant pour les voyageurs algériens, en alignant enfin l’allocation sur les réalités économiques contemporaines. L’objectif étant de réduire la dépendance au marché noir des devises tout en offrant aux citoyens un accès plus juste et légal aux devises pour leurs voyages. Malgré l’annonce officielle, aucune directive claire n’a encore été communiquée aux banques. Ces dernières continuent donc d’appliquer l’ancien montant de l’allocation touristique soit 15 000 dinars algériens (environ 103 euros), au lieu de 750 euros promise par le président.
Pourquoi ce retard dans l’application de la nouvelle allocation touristique
Le retard dans l’application de la nouvelle allocation touristique 2025 en Algérie pourrait être dû à plusieurs facteurs administratifs, économiques ou logistiques. Voici quelques raisons possibles :
1. Impact sur les réserves de change
Une telle augmentation représente un coût significatif pour l’État, qui doit garantir une disponibilité suffisante de devises dans les banques. L’augmentation de l’allocation représente une charge significative, estimées à 56 milliards de dollars fin 2023 et en multipliant par 7,5 le montant de l’allocation touristique, les besoins en dispositifs augmenteraient considérablement. Pour exemple, une famille de quatre personnes pourrait percevoir jusqu’à 2 100 euros par an. Si l’on considère seulement la moitié des 5,5 millions de voyageurs algériens, cela représente un besoin annuel de plus de 5 milliards d’euros , un montant non négligeable pour l’économie nationale.
2. Absence de garde-fous administratifs
Les banques algériennes, qui continuent de délivrer l’allocation actuelle, n’ont reçu aucune directive pour la mise en œuvre de la réforme. laissant place a des rumeurs contradictoires la plus émergeante est :
Une possible exclusion des voyages en Tunisie pour limiter les abus
L’une des spéculations les plus répandues suggère que les voyages vers la Tunisie pourraient être exclus du bénéfice de la nouvelle allocation. Pour contextualiser, près de 5,5 millions d’Algériens voyagent chaque année à l’étranger, dont une majorité a choisi la Tunisie comme destination principale. Rien qu’au premier semestre 2024, ce pays a accueilli près de 2 millions de visiteurs algériens , confirmant son rôle central dans les échanges touristiques de la région. Si cette mesure venait à être appliquée, elle priverait une grande partie des voyageurs algériens de cette réforme, vidant la mesure de son sens initial. Cependant, cette mesure pourrait affecter la majorité des voyageurs, étant donné que la Tunisie est la première destination des Algériens.
L’imposition d’un séjour minimum de 7 jours
Une autre piste envisagée serait l’introduction d’un séjour minimum de 7 jours, qui sera prouvée par des justificatifs comme des réservations d’hôtel. Bien que pour l’instant, aucune décision officielle n’a été confirmée.
3. La crainte des fraudes et des abus
Un autre frein majeur concerne les abus potentiels liés à la revente des devises sur le marché noir . Il existe une crainte légitime que des citoyens détournent ces devises pour les revendre, alimentant ainsi le problème que la mesure tente de résoudre. Par exemple :
- Une famille pourrait effectuer un court séjour en Tunisie, où les frais sont réduits, puis revendre le surplus de devises. Avec une famille type de quatre personnes (deux adultes et deux enfants), le montant de l’allocation touristique total s’élèverait à 2 100 euros . Ce chiffre, significatif, pourrait facilement être détourné à des fins lucratives sur le marché parallèle.
- Dans les zones frontales, ce phénomène serait amplifié, avec un gain potentiel important pour les revendeurs. Les autorités craignent que cette mesure ne finisse par alimenter le marché parallèle , au lieu de l’assécher comme prévu.
L’impact sur le marché noir des devises
Bien que la réforme ne soit pas encore en vigueur, son annonce a déjà eu un effet sur le marché parallèle de devises qui avait réagi favorablement, avec une baisse temporaire du taux de change. Cependant, le retard dans l’application de la réforme a rapidement inversé cette tendance. En ce début janvier 2025, l’euro s’échange à 257 dinars algériens , une hausse notable par rapport aux 248 dinars observés en décembre 2024 . Ce chiffre se rapproche dangereusement du record historique de 262 dinars pour un euro, établi quelques semaines auparavant.
Au début janvier 2025 , l’euro s’échange à 257 dinars algériens , contre 248 dinars en décembre , et se rapproche du record historique de 262 dinars atteint récemment.
Des solutions nécessaires pour une application réussie
Afin de garantir le succès de cette réforme et d’éviter les abus, plusieurs pistes sont envisagées par les économistes et les experts :
- La création de bureaux de change agréés : Une alternative indispensable pour réduire la dépendance au marché noir. Ces bureaux permettraient d’encadrer légalement les échanges et d’assécher progressivement les transactions parallèles.
- Des garde-fous rigoureux : Exiger des preuves de séjour ou des justificatifs de dépenses pour éviter les détournements de fonds.
- Une gestion bancaire fluide : Renforcer les capacités des banques à répondre à l’afflux de demandes, tout en simplifiant les procédures administratives pour les citoyens.
Les experts s’accordent sur le fait que multiplier l’allocation touristique nécessite des ajustements économiques majeurs pour éviter de fragiliser les réserves de devises nationales . Ces dernières couvriront non seulement l’augmentation des allocations, mais aussi répondront à l’afflux massif de demandes dans un contexte où les réserves en devises restent une ressource précieuse.
Chabane Assad, fondateur du cabinet Finabi Conseil, a récemment partagé une analyse sur LinkedIn intitulée : « Allocation touristique en Algérie : Quel montant par personne ? Comment financer cette dépense en devise sans altérer les réserves de change ? ». Dans sa publication, il met en lumière les défis et opportunités liés à l’allocation touristique en Algérie, notamment en termes de financement et d’impact sur le marché informel. L’économiste soutient que « la décision d’augmentation de l’allocation voyage est optimale car elle portera un coup de massue au marché informel des devises, source de blanchiment, d’évasion fiscale et de spéculation. Cependant, son montant doit être mesuré avec précision pour répondre au besoin réel afin d’assécher la demande qui nourrit actuellement le marché noir des devises.», a-t-il expliqué.
Pour financer ce besoin de 3 milliards d’euros, Assad propose deux mécanismes clés. Les transferts de fonds opérés par la diaspora algérienne à travers les canaux formels ne devraient pas alimenter les réserves de change mais être dédiés à la couverture de cette demande touristique. En 2023, ces transferts se sont élevés à 1,868 milliard de dollars, une part de la demande pourrait ainsi être satisfaite par ces flux. Le deuxième mecanisme est la lutte contre le marché informel, à travers la criminalisation des transactions illégales, est essentielle. Les bureaux de change agréés pourraient jouer un rôle crucial en collectant les devises physiques, en particulier celles provenant de la diaspora et des non-résidents. Le reste des besoins pourrait être financé par ce mécanisme.
Pour une autre analyse approfondie, vous pouvez visionner la conférence du Professeur Abderrahmane Mebtoul sur l’impact de cette revalorisation
L’absence d’informations claires autour de cette nouvelle allocation touristique 2025 crée un véritable vide. Chaque jour qui passe sans nouvelles fait grandir l’incertitude parmi ceux qui en attendent les bénéfices. Les espoirs sont là, mais aussi l’impatience, car la promesse de cette aide se fait de plus en plus lointaine. En attendant, les citoyens se demandent quand cette mesure, censée faciliter les voyages et lutter contre le marché noir, prendra enfin forme.