Une nouvelle mesure de facilitation a été prise pour les demandeurs de titre de séjour à Saint-Denis. Le sous-préfet a annoncé la suppression du filtrage à l’entrée afin d’éviter que les personnes n’attendent dans la rue. Les récépissés pour renouvellement sont désormais délivrés dans une salle d’attente.
L’objectif de cette nouvelle mesure est de mieux gérer les situations d’urgence et d’éviter le retour des files d’attente. La préfecture envisage de mettre en place un système plus efficace pour hiérarchiser et orienter plus judicieusement les dossiers, d’ici à la fin de l’année 2025. Cette nouvelle mesure survient après plusieurs protestations, alertes et courriers des députés, Stéphane Peu et Éric Coquerel, de la conseillère départementale Silvia Capanema et des citoyens/nes. Ces actions ont abouti à la création d’un Collectif pour défendre les droits des étrangers.
Le collectif a depuis sa création, organisé une présence hebdomadaire devant la sous-préfecture de Saint-Denis le vendredi matin, ce qui a permis aux étrangers d’être accueillis à l’intérieur des locaux de la sous-préfecture et le traitement d’un nombre plus important de dossiers. Selon le site BDS (Blog Saint-Denis), les nouveaux locaux de la sous-préfecture, située au 2 rue Catullienne, pourraient offrir la possibilité d’améliorer l’accueil du public et d’accélérer le traitement des dossiers.
Malgré une amélioration limitée de la situation, le Collectif pour le respect des droits des étrangers 93 a décidé de maintenir la manifestation qui a lieu le vendredi 4 octobre devant la sous-préfecture de Saint-Denis. Une pétition a également été lancée en soutien aux personnes concernées. Le député Éric Coquerel a répondu présent à l’appel du collectif, « Je veux affirmer ma solidarité avec celles et ceux qui luttent pour l’accès à leurs droits », a-t-il déclaré sur sa page Facebook.
Un accueil effectif, en présentiel et inconditionnel
Le collectif s’est aussi adressé au préfet de Saint-Denis, lui demandant une mise en place d’un accueil effectif, en présentiel et inconditionnel au sein de la sous-préfecture et non dans la rue, tenu par des agents formés et en nombre suffisant. Délivrer systématiquement un récépissé avec autorisation de travail dès le dépôt de la demande, le respect de l’arrêt du Conseil d’état du 10 juin 2020 enjoignant l’État à respecter un délai raisonnable pour instruire les dossiers.
Mais aussi, mettre fin à la procédure AES (Admission Exceptionnelle au Séjour) pour le traitement des situations qui relèvent du plein droit, respecter les liste de pièces demandées par le Ministère de l’Intérieur « pas de demandes extralégales » et mettre fin au blocage et aux retards devenus systématiques dans le traitement des demandes.
Saint-Denis est l’une des préfectures où il est particulièrement difficile d’obtenir un rendez-vous. Les demandeurs de titre de séjour font face chaque année à un véritable parcours de combattants. En effet, les rendez-vous pour le dépôt de demande de titre de séjour se font rares, et il est quasiment impossible d’en obtenir un en ligne. Bien que ce soit utopique d’être reçu sans rendez-vous, les étrangers n’ont pas d’autre choix que de se rendre à la préfecture avec l’espoir de pouvoir faire passer leur dossier et subir les files d’attente interminables, principalement devant la sous-préfecture de Saint-Denis, située au nord de Paris. Les habitants de la région témoignent des conditions d’accueil des plus déplorables et indignes.
La galère des demandeurs de titre de séjour à Saint-Denis
La représentante des locataires de la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis et militante associative, Diangou Traoré, témoigne de ce qu’elle a vu sur place, « J’ai vu 300 personnes agglutinées sur le trottoir. Certaines, désespérées, essayaient de faire passer leur dossier entre les grilles, pour les donner au vigile. C’était une situation déshumanisée de panique et de pleurs ». Alors qu’elle accompagnait son voisin quinquagénaire et père de famille, qui a perdu son travail, faute de pouvoir obtenir un rendez-vous en ligne, il se retrouve dans l’impossibilité de renouveler son titre de séjour à temps. Diangou Traoré a ressenti de la tristesse et de l’injustice « j’ai compris que c’était tous les jours comme ça ».
Sur place, Diangou Traoré récolte des témoignages qu’elle publie sur les réseaux sociaux. L’un d’eux a indiqué que « ça fait 4 jours que je viens à 4h du matin pour renouvellement », un autre étranger fait savoir que « ça fait un an que je n’arrive pas à prendre de rendez-vous, mon compte est même bloqué ». Face à cette indignation, une manifestation a été organisée le vendredi 4 octobre par le Collectif d’associations et d’habitants de Saint-Denis.
Elle s’est tenue devant la sous-préfecture pour dénoncer et protester contre les conditions d’accueil des étrangers, alors que la nouvelle sous-préfecture avait à son ouverture l’objectif de simplifier les démarches administratives des étrangers concernés par le renouvellement de leur titre de séjour, le dépôt de dossiers ou le retrait de leurs documents.
Ils passent d’une situation régulière à irrégulière
Ne pouvant renouveler leur titre de séjour dans les délais en raison des difficultés à obtenir un rendez-vous en ligne alors que la validité des documents est nécessaire pour travailler, de nombreux étrangers qui étaient en situation régulière se sont retrouvés en situation irrégulière sans procédure appropriée, perdant ainsi leur emploi, accumulant des dettes et voyant leurs droits sociaux fondamentaux suspendus, notamment l’accès aux soins et les prestations sociales. Faute de revenus stables, de nombreuses familles se retrouvent dans la précarité. De plus, pour obtenir une carte de résidence, il faut renouveler son titre de séjour temporaire d’un an à plusieurs reprises, et payer 225 euros à chaque fois. Un coût relativement important pour les étrangers ayant tout perdu.
Après des mois d’attente, certains d’entre eux finissent par choisir la voie de la justice, selon Diangou Traoré : « Il y a des rendez-vous sur le site, mais ils partent trop vite, parfois en moins de deux minutes ». « Il y en a qui passent toute leur nuit sur leur écran. Au pire des cas, ils y vont au culot. C’est devenu une fabrique de sans-papiers, alors que certains ont 30 ans de carte de séjour ». La dématérialisation n’a pas eu les résultats escomptés, au contraire, elle a eu l’inverse, elle crée de nouveaux sans-papiers.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, une femme raconte sa galère. Elle explique qu’elle est ballotée, lorsqu’elle s’est rendue en préfecture, on lui a dit que la procédure ne pouvait se faire que par Internet. Lorsqu’elle a essayé de faire sa demande en ligne en janvier dernier, on lui a dit qu’elle devait se déplacer en préfecture. Elle précise que chaque demande prend 3 à 4 semaines et que de mars à juin, elle n’a pas pu obtenir de récépissé. Finalement, sa demande a été supprimée.
Face à cette situation, certains demandeurs se retrouvent obligés d’acheter un rendez-vous au prix fort, ce qui a favorisé et encouragé l’émergence d’un marché noir de RDV. La Préfecture de Saint-Denis avait, en 2017, mis en place un système de rendez-vous très restrictif pour l’obtention de documents administratifs à Bobigny. Les files d’attente commençaient dès 5h du matin et seuls 30 rendez-vous étaient accordés par jour, favorisant ainsi un marché noir illégal de revente de places.
Un système en ligne inefficace
Afin de réduire le retard dans le traitement des dossiers, la sous-préfecture de Saint-Denis a, en 2018, mis en place de nouvelles mesures pour simplifier les démarches de renouvellement de titre de séjour par la prise de RDV en ligne sous 4 semaines. Ces mesures devaient permettre de lutter contre les trafics de rendez-vous. Malheureusement, ce système numérique qui devait accélérer les procédures, s’est très vite avéré inefficace, et a augmenté le trafic illégal. À la vente des places dans les files d’attente s’est rajouté la vente des RDV via les créneaux réservés en ligne à des prix exorbitants pouvant atteindre 500 euros.
De plus, le système numérique de la préfecture de Saint-Denis ne prend pas en compte les cas spécifiques et urgents comme la perte d’emploi, l’expulsion imminente et les urgences médicales. Les dossiers les plus urgents ne sont pas traités en priorité, et la sous-préfecture a vite été submergée et s’est retrouvée dans l’incapacité de faire face à la demande qui est passée, selon l’équipe du député Éric Coquerel, de 30 000 à 60 000 dossiers à traiter chaque année. Cela s’explique par le fait que la sous-préfecture de Saint-Denis couvre une vaste partie du territoire et les plus grandes villes du département.
Trouvez d’autres articles dans ViPresse