Parti à contrecourant, l’Espagne encourage l’immigration en facilitant l’obtention du titre de séjour. Le ministre espagnol de l’immigration finalise un nouveau projet de loi visant à simplifier l’obtention des permis de séjour et de travail pour les étrangers. Si le texte est adopté, il facilitera les démarches à des milliers de migrants vivants en Espagne.
Dans le but de réduire le temps nécessaire à l’obtention du titre de séjour et d’encourager l’intégration des étrangers dans le marché du travail, le gouvernement espagnol prévoit de présenter ce nouveau projet au Conseil des ministres à la mi-novembre. Contrairement à la plupart des pays européens, le Premier ministre, Pedro Sánchez, ne considère pas l’immigration comme un problème ou une menace, mais plutôt comme une nécessité à la prospérité économique et la pérennité de l’État-providence.
En effet, l’Espagne fait face à un manque crucial de mains-d’œuvre dans certains secteurs, notamment, l’agriculture, la construction et des services. La croissance économique à fortement besoins de travailleurs dynamiques et diversifiés. L’assouplissement des procédures d’accès au titre de séjour ou de travail, permettrait d’attirer des travailleurs étrangers. Le premier ministre a indiqué que « l’Espagne doit choisir entre devenir un pays ouvert et prospère ou un pays fermé et appauvri ». Madrid souhaite mettre en place l’intégration par l’emploi des 6,5 millions d’étrangers sur son territoire.
L’Espagne encourage l’immigration pour contrer le Baby crash
Le professeur d’économie à l’IESE et expert en pensions, Javier Diaz-Giménez, a indiqué que l’Espagne est dans la phase du « Baby crash » après un baby-boom des années 50-70 qui a engendré une génération nombreuse d’Espagnols qui aujourd’hui approchent l’âge de la retraite, mais le taux de natalité qui a suivi ne permet pas d’avoir suffisamment de travailleurs pour les remplacer. Selon Javier Diaz-Giménez, de plus en plus de personnes partiront à la retraite, « les 20 prochaines années seront cruciales ». Il indique que « selon le scénario démographique le plus récent, 14,1 millions de personnes prendront leur retraite au cours de cette période ».
Face à cette situation, le professeur d’économie, Diaz-Giménez, déclare que « l’un des moyens de remédier au déficit de main-d’œuvre consiste à s’inspirer du modèle économique mis en place par le Japon », dont le taux de natalité est tout aussi bas, en investissant massivement dans les « algorithmes et les machines ». L’alternative évidente est l’immigration. Il explique que « Si vous voulez faire croitre le PIB, si vous voulez payer les retraites de tous les baby-boomers qui partent à la retraite, vous devez faire croitre le PIB d’une manière différente de celle que nous connaissons actuellement ; parce qu’il n’y aura pas autant de personnes, à moins de les faire venir par l’immigration ».
Selon le rapport de la banque central espagnole publié en avril dernier, l’Espagne aura besoin d’environ 25 millions d’immigrants au cours des 30 prochaines années pour combler le manque de main-d’œuvre prévu. C’est pourquoi le pays a opté pour la facilitation de délivrance de titre de séjour aux étrangers afin de combler le besoin en mains d’œuvre.
L’Espagne, le nouveau pays d’accueil des immigrés
Dans le contexte actuel de l’économie mondiale, où la compétition est très rude, et après des périodes de grandes crises comme la pandémie, l’Espagne a besoin de se redresser. Attirer des talents étrangers peut non seulement jouer un rôle clé dans ce processus de relance, mais aussi contribuer à renforcer la position de l’Espagne sur la scène internationale en termes de croissance économique, qui représente une force de 2,9% l’une des plus élevées de l’Union européenne.
Le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a souligné que « Tout au long de l’histoire, les migrations ont été l’un des principaux moteurs du développement des nations, tandis que la haine et la xénophobie ont été, et continuent, d’être, les plus grandes causes de destruction des nations. La clé est de bien les gérer ». Aujourd’hui, l’Espagne se présente comme le nouveau pays d’accueil pour les immigrés, contrairement à la tendance anti-migratoire observée dans la politique européenne qui a renforcé son contrôle aux frontières et a imposé des règles plus strictes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé d’accentuer ces mesures et de développer davantage de projets visant à expulser les demandeurs d’asile déboutés vers leur pays d’origine. Le Premier ministre espagnol a souligné que seulement 6% des étrangers présents dans le pays sont arrivés de manière irrégulière. De plus, 40% du total d’étrangers viennent de l’Amérique latine, 30% d’Europe et seulement 20% viennent d’Afrique.
Titre de séjour pour les travailleurs immigrés
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a reconnu la contribution des étrangers à la relance économique, soulignant leur taux d’activité supérieur à celui des travailleurs espagnols. En effet, l’Espagne a, comme de nombreux pays d’Europe, une population vieillissante, entraînant ainsi une diminution de la population active. Le gouvernement espagnol voit dans l’octroi de titre de séjour aux jeunes immigrés, la solution pour la préservation et le soutien de la croissance de l’économie et les systèmes de retraite.
L’assouplissement des lois sur l’immigration, faciliterait l’obtention de titre de séjour et l’entrée sur le marché du travail et accélèrera leur contribution aux recettes fiscales de l’État, ce qui représente une aide non négligeable au financement des services publics et des programmes sociaux. Pour 2026, le gouvernement prévoit de créer 1,5 million d’emplois supplémentaires. A ce propos, Pedro Sánchez a indiqué que les étrangers versent 10% des cotisations à la Sécurité sociale tout en bénéficiant 40% de moins des services publics et des prestations sociales que les personnes nées en Espagne.
Révision de la législation sur l’immigration
Le Gouvernement espagnol a mis en place un nouveau programme pour la révision de la législation sur l’immigration, afin de faciliter l’intégration des étrangers en leur accordant plus facilement, le titre de séjour, nécessaire pour s’installer et travailler dans le pays. Il prévoit de réformer la Loi sur l’immigration actuelle dans le but de la rendre plus avantageuse pour les étrangers. Les changements visent notamment à supprimer les « obstacles bureaucratiques » dans les procédures liées à l’emploi et à l’obtention des titres de séjour, ainsi qu’en reconnaissant les qualifications académiques des travailleurs. De plus, le pays prévoit de créer 6 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour mineurs, et la réactivation prochaine de la loi sur la famille.
Cette réforme facilitera l’obtention d’un titre de séjour pour les étudiants ainsi que leur transition vers le marché du travail, les travailleurs, les familles et les demandeurs d’asile dont les demandes avaient été rejetées ces dernières années. Cette nouvelle mesure concernera également les migrants arrivés illégalement en Espagne et qui pourront effectuer une demande de titre de séjour et de travail après deux ans sur le sol espagnol au lieu de 3 ans actuellement. Le gouvernement espère que cette réforme permettra de stabiliser la situation des migrants et d’attirer de nouveaux talents pour répondre aux besoins économiques du pays. Pour rappel, l’Espagne a procédé à neuf régularisations massives des immigrés sans papiers depuis le retour à la démocratie, la plus récente ayant été mise en place en 2005 sous un précédent gouvernement socialiste.
Hausse du nombre des sans-papiers
L’Espagne continue d’être une porte d’entrée importante pour les migrants, elle est un carrefour en matière d’immigration, particulièrement pour ceux qui viennent de l’Amérique latine et de l’Afrique du Nord. Bien que le pays prévoie d’adopter des réformes qui visent à améliorer l’accueil et à faciliter les procédures et les exigences d’obtention d’un titre de séjour, il reste cependant à faire face à des défis en matière de logement et d’accès aux services. Depuis le début de l’année, plus de 42 000 migrants sans papiers sont arrivés en Espagne, soit une augmentation de 59 % par rapport à 2023.
En 2022, le nombre de migrants clandestins entrés en Espagne a augmenté de 82,1 % par rapport à l’année précédente, atteignant 56 852 personnes, en raison d’arrivées sans précédent dans l’archipel des Canaries, selon des chiffres provisoires publiés par le ministère de l’Intérieur le 3 janvier dernier.
Bien que l’économie du pays ait besoin d’immigration, la perception de cette nouvelle mesure par la population espagnole est plutôt à l’opposé. Seulement 9 % des Espagnoles les considèrent comme un atout économique selon le dernier sondage, 57 % pensent qu’ils sont trop nombreux, 41 % se disent « très préoccupées » par le phénomène des migrants et 30% les associent à l’insécurité.