L’Algérie, avec une diaspora estimée à environ six millions de personnes, dont près de cinq millions résidant en France, se trouve face à un paradoxe économique majeur. Malgré cette importante communauté à l’étranger, les transferts de devises officiels vers le pays reste étonnamment bas, ne dépassant guère 1,8 milliard de dollars par an.
Selon les données de la Banque mondiale pour 2022. Ce chiffre contraste fortement avec le potentiel financier que représente cette diaspora et soulève des questions sur les raisons de cette disparité. Un écart frappant avec les pays voisins. Cette situation prive l’Algérie de ressources financières substantielles qui pourraient soutenir le développement économique.
Pour remédier à cela, des mesures telles que la réduction de l’écart entre les taux de change officiels et parallèles, le renforcement de la présence bancaire à l’étranger, et l’amélioration de la transparence des institutions financières pourraient encourager la diaspora à utiliser des canaux officiels pour leurs transferts.
Transferts de devises vers l’Algérie comparé à celui des pays voisins
Lorsqu’on observe les flux financiers en provenance des diasporas au Maghreb, avec une diaspora estimée à environ cinq millions de personnes, reçoit plus de 12 milliards de dollars par an de transferts de devises. La Tunisie, dont la population et la diaspora sont pourtant inférieures en taille à celles de l’Algérie, enregistre régulièrement entre 2,5 et 3 milliards de dollars. L’Algérie à dépasser les 2 milliards de dollars, avec 1,94 milliards enregistrés en 2024 d’après les derniers chiffres de la Banque mondiale.
Ce décalage n’est pas qu’une question de chiffres : il illustre une opportunité manquée pour l’économie nationale. Ces transferts, au-delà de leur impact sur le pouvoir d’achat des familles bénéficiaires, représentent une source de devises étrangères significatives pour le pays. Dans un contexte marqué par une forte dépendance aux hydrocarbures. Cette manne financière pourrait servir à diversifier l’économie, soutenir les PME locales ou encore financer des projets sociaux et éducatifs.
Le Rabat a depuis des années mis en place une stratégie proactive pour intégrer sa diaspora à son développement économique, notamment à travers des incitations fiscales, des services bancaires adaptés et une présence bancaire bien établie en Europe.
Le Maroc, par exemple, reçoit environ 11,4 milliards de dollars annuellement de sa diaspora, une communauté de taille comparable à celle de l’Algérie. Cette différence significative suggère que des facteurs spécifiques entravent le flux des transferts vers l’Algérie.
Facteurs contribuant à la faiblesse des transferts de devises
Le faible volume de transferts officiels vers l’Algérie n’est pas un hasard. Il résulte d’un ensemble de facteurs qui dissuadent les Algériens de l’étranger d’utiliser les circuits traditionnels pour envoyer de l’argent à leurs proches.
L’écart entre les taux de change officiels et parallèles, c’est sans doute l’un des freins les plus puissants. En Algérie, le taux de change officiel est largement déconnecté de la réalité du marché. Par exemple, alors que l’euro s’échange autour de 150 dinars au taux officiel, il peut dépasser les 240 dinars sur le marché parallèle. Pour un expatrié qui souhaite envoyer 1 000 euros, la différence est considérable : en passant par un canal officiel, le bénéficiaire en Algérie recevra bien moins que s’il utilise une méthode informelle.
Ce différentiel crée un véritable appel d’air pour le marché noir, qui capte une grande partie des transferts de la diaspora. Des réseaux de change informels, bien implantés en France, en Espagne ou en Belgique, permettent aux expatriés de convertir leurs devises à des taux bien plus avantageux, souvent sans formalités administratives. Résultat : des milliards de dollars échappent chaque année aux circuits bancaires et donc aux statistiques officielles.
Une étude relayée par Maghreb Émergent estime que jusqu’à 8 milliards de dollars par an transiteraient ainsi hors des radars, échappant à toute régulation, fiscalité ou suivi économique.
Une Infrastructure bancaire limitée à l’étranger , un autre facteur structurant qui limité l’accès aux services bancaires algériens à l’international. Pendant des décennies, les principales banques algériennes n’étaient tout simplement pas présentes à l’étranger. Les membres de la diaspora devaient passer par des banques françaises ou utiliser des solutions comme Western Union, souvent coûteuses et peu adaptées à des transferts réguliers.
Des banques Algériennes ont commencé à s’implanter à l’extérieur. Depuis 2023, quatre banques publiques – la BEA, la BNA, la BADR et le CPA – ont ouvert des filiales dans trois pays, dont la France, afin de mieux servir les besoins de la communauté algérienne expatriée.
Au-delà des aspects techniques, il existe aussi une dimension psychologique. Beaucoup d’Algériens de la diaspora se montrent méfiants à l’égard du système financier national. Certains redoutent que leurs transferts soient retardés et soumis à des vérifications. Cette perception nuit fortement à l’utilisation des voies officielles. Même lorsque les banques proposent des services adaptés, la barrière de la confiance reste difficile à franchir.