La flambée de l’euro sur le marché noir algérien intrigue autant qu’elle inquiète. Derrière cette hausse soudaine se cache un mouvement massif d’achats liés à l’importation de véhicules. Une demande spécifique qui bouleverse l’équilibre déjà fragile entre offre limitée et besoin croissant de devises fortes comme l’euro.
Au square Port-Saïd à Alger, point névralgique des échanges informels de devises, les regards se tournent tous vers une seule monnaie : l’euro. Ces dernières semaines, son cours s’est envolé à un rythme rarement observé depuis plusieurs mois. Les acheteurs se pressent, mais l’offre ne suit pas, ce qui pousse les prix vers le haut.
Derrière cette tension visible à l’œil nu se cache un phénomène plus structuré qu’il n’y paraît. Ce ne sont pas les voyageurs ou les étudiants à l’étranger qui mènent cette dynamique. Selon plusieurs cambistes présents sur place, une catégorie bien précise de clients est aujourd’hui à l’origine de cette montée brutale de la demande en euros : les opérateurs dans l’importation de véhicules.
L’importation de voitures en toile de fond de la flambée de l’euro
Selon les informations recueillies auprès de plusieurs acteurs du marché parallèle, ce sont principalement des acheteurs liés au secteur de l’importation automobile qui drainent actuellement la majeure partie des volumes en euros. Avec le feu vert donné pour l’importation de véhicules neufs et de moins de trois ans, plusieurs professionnels se positionnent rapidement pour effectuer leurs transactions à l’étranger.
Ces acheteurs agissent dans l’urgence. Leur objectif est d’acquérir un maximum de devises, en particulier l’euro, afin de passer commande de véhicules, notamment depuis les pays d’Europe du Sud ou de l’Est. Conséquence directe : les stocks d’euros disponibles au square s’amenuisent, ce qui crée un déséquilibre entre l’offre et la demande.
Ce phénomène de tension sur les devises n’est pas nouveau, mais il prend une tournure particulière avec la reprise des importations. Cette fois, la flambée de l’euro ne repose pas uniquement sur un facteur saisonnier comme les vacances ou le Hajj, mais sur une logique économique spécifique, portée par un secteur récemment réactivé.
L’euro devient stratégique, les autres devises suivent la tendance
L’euro n’est pas la seule devise à être impactée, mais c’est de loin la plus touchée. Sur le marché noir des devises d’Alger, les taux frôlent les 260 dinars à l’achat, contre environ 150 dinars au niveau du marché officiel. Cet écart considérable ne fait que renforcer l’attrait du marché parallèle, d’autant plus que l’euro est la devise de référence pour les transactions automobiles en Europe.
Le dollar américain, lui aussi, suit une trajectoire haussière, quoique moins marquée, avec des taux avoisinant les 236 dinars à l’achat. La livre sterling, le franc suisse ou encore le dollar canadien montrent également des signes de tension, mais c’est bien la flambée de l’euro qui cristallise les préoccupations.
Cette hausse intervient également dans un climat d’incertitude marqué par l’attente de la mise en place de l’allocation voyage. Initialement prévue pour avril, cette mesure censée injecter des devises au taux officiel dans le circuit légal n’a toujours pas été activée. Une absence qui contribue, indirectement, à renforcer le poids du marché noir.
Une flambée qui reflète des tensions structurelles
La situation actuelle révèle aussi des limites bien connues du système de change algérien. Le marché officiel reste très encadré, avec des procédures rigides et une offre restreinte. Face à cela, le marché parallèle s’adapte plus vite, mais au prix d’une forte volatilité des taux de change et d’une spéculation constante.
Le cas de l’euro en est la parfaite illustration. Utilisé dans la majorité des importations en provenance de l’Union européenne, il devient un outil stratégique pour certains opérateurs économiques. Sa disponibilité conditionne leur activité et les pousse à offrir plus, même à des taux très élevés, pour sécuriser leurs transactions.
Pour les cambistes d’Alger, cette nouvelle vague de demande ne devrait pas s’arrêter de sitôt. Tant que l’allocation voyage reste lettre morte et que les importateurs de véhicules maintiennent leur pression sur les devises, la flambée de l’euro pourrait bien continuer à faire parler d’elle.